dimanche 21 décembre 2008

Masques

Commissaire: Edouard Papet, conservateur en chef au musée d'Orsay
Exposition au Musée d'Orsay, salles 68, 69, 70,
du 21 octobre 2008 - 1er février 2009
Darmstadt, Institut Mathildenhöde, 8 mars - 7 juin 2009
Copenhague, Ny Carlsberg Glyptotek, été 2009














Louis-Emile Durandelle (1839-1917),
Masques du vestib
ule du contrôle de l'Opéra,
1875,
épreuve sur papier albuminé à partir d'un négatif verre,
27,8 x 38,2 cm
Paris, musée d'Orsay
Don de M. Alain Paviot, par l'intermédiaire de la Société des Amis du musée d'Orsay, 1994
Photo : musée d'Orsay, dist. RMN / Patrice Schmidt

C'est avec enthousiasme que je me lance dans cette petite chronique, car cette exposition me semble exemplaire, par le choix des œuvres, la rédaction des textes, et la muséographie.

La présentation se fait thématiquement mais avec un ancrage chronologique. La première salle propose une définition du masque, ce qui semblait en effet indispensable. Puis, plusieurs sections déclinent les différentes formes de production et d'exploitation du masque : théâtral, de mascarade, funéraire, de Méduse, décoratif, symbolique, ou encore ouvrant sur la modernité. Ainsi, malgré l'excellence de l'exposition, rien ne semble plus mal adapté que son sous-titre, "de Carpeaux à Picasso" puisque l'exposition propose une vision du sujet de l'Antiquité au début du XXe siècle, en passant par le japonisme.

La muséographie, très théâtrale, se prête bien au sujet. Les cimaises rouge sombre, qui évoquent l'univers du spectacle, se marient aux socles métallisés. Les éclairages font surgir les visages de la pénombre de manière spectaculaire, comme l'impressionnant
Bouclier avec le visage de Méduse de Böcklin, chef-d'œuvre acquis récemment par le musée. L'accrochage à hauteur variable dynamise la présentation et rompt la monotonie qui aurait pu naître de l'unicité de la thématique. De courts cartels explicatifs, placés à proximité des œuvres, complètent les cartels descriptifs par quelques informations concises et essentielles sans tomber dans l'iconographie à rallonge. Quant aux textes qui introduisent les sections, ils utilisent un phrasé simple mais sans simplification excessive du propos, toujours concis et éloquents par l'allusion constante aux oeuvres présentées.


Arnold Böcklin (1827-1901),
Bouclier avec le visage de Méduse,
1897,
H : 61 cm, papier mâché,
Paris, musée d'Orsay
photo : RMN / Hervé Lewandowski


Enfin, les œuvres sont particulièrement bien choisies. L'exposition convoque dessins, peintures, objets d'art et photographies pour enrichir un propos qui s'appuie sur la sculpture. Il est difficile d'énumérer ici tous les artistes majeurs représentés - Carpeaux, Carriès, Rodin, Böcklin, Nolde - mais il faut souligner que la présentation ne s'y cantonne pas. Des noms un peu moins célèbres nourrissent une réflexion clairement exposée. Quelques prêts prestigieux rendent cette exposition incontournable : la Nouvelle Salomé de Max Klinger venue de Dresde ou le Masque ailé de Fernand Khnopff conservé à Hambourg. Enfin, la partie moderne s'intègre en douceur au parcours ce qui rend explicite la permanence du thème malgré la distance du traitement.


Pablo Gargallo (1881-1934)
Jeune homme aux cheveux frisés,
1911
photo : www.masdearte.com



Cette exposition est un pur plaisir, courez la voir!!!


Lien vers la présentation du site du musée d'Orsay

lundi 15 décembre 2008

Picasso déjeune sur l'herbe au musée d'Orsay

Les deux petites expositions "Picasso / un maître" de part et d'autre de la Seine (au musée du Louvre - voir ici - et au musée d'Orsay) sont aussi différentes que les peintres auxquels Picasso est confronté.
Ainsi, après la chaleur et la sensualité de Delacroix et la série d'après les Femmes d'Alger, Picasso entreprend, entre 1954 et 1962, une relecture du mythique Déjeuner sur l'herbe de Manet.

Scandale de la peinture au Salon de 1863, Le Déjeuner sur l'herbe déstabilise et horrifie le public bien pensant de la société bourgeoise du Second Empire en présentant au public une femme nue, assise au entre deux hommes habillés, pour un pique-nique dans un sous-bois, sans prétexte mythologique ni narration. La femme nue, représentée sans complaisance, regarde avec aplomb le spectateur, les deux hommes discutent avec elle dans une nature factice aux airs de décor de théâtre. Devant eux une nature morte est juxtaposée à la scène. Manet revisite les catégories académiques de la peinture, les juxtapose, les parodie, les allège du carcan dans lequel elles étouffent à la fin du XIXe siècle.

Picasso se trouve face à Manet dans une situation complexe. "Revisiter" Le Déjeuner sur l'herbe est très différent d'un travail à partir des traditionnels Rembrandt, Vélasquez, Ingres ou Delacroix: Manet est à la fois un maître et celui qui les a rejeté.

A travers la quarantaine de tableaux, dessins, gravures et maquettes réalisés entre 1954 et 1962, on perçoit le questionnement incessant de Picasso à propos de ce Déjeuner. Tantôt grave, tantôt ludique ou ironique, tour à tour fouillé, sombre et cerné de noir puis clair, épuré et lumineux, Picasso essaie tous les registres possibles, décompose, épluche, observe, change les couleurs, les médiums, les formats... pour comprendre et s'approprier l'oeuvre de Manet.
Moins spontané - il me semble - qu'en face des Femmes d'Alger de Delacroix, les différents Déjeuner sur l'herbe m'ont donné l'impression d'un travail lent (laborieux?), pour des oeuvres auxquelles il manquerait presque quelque chose. Impression étrange, renforcée par l'omniprésence de la couleur verte, tout à fait inhabituelle dans l'oeuvre de Picasso.

C'est par conséquent lorsqu'il s'éloigne le plus de l'oeuvre originale, mais sans en perdre l'idée, que Picasso retrouve sa verve et sa créativité. Il crée ainsi en carton, entre le 26 et le 31 août 1962, une série de maquettes des personnages pour des sculptures en plein air (un exemple ci-dessus à droite). Cet ensemble de maquettes est absolument génial, et Picasso, me semble-t-il, donne à voir l'essence de ce Déjeuner sur l'herbe, avec ses figures franches juxtaposées sur un fond de plein air.

Petit post-scriptum muséographique: les arbres verts et marrons stylisés peints sur les murs, sont à oublier, ils m'ont donné plus l'impression d'être dans une école maternelle que dans une exposition de musée!

Photos:
[1] Pablo Picasso (1881-1973) Le déjeuner sur l'herbe d'après Manet27 février 1960 Huile sur toileLondres, Nahmad Gallery© Succession Picasso, 2008
[2] Edouard Manet Le déjeuner sur l'herbe 1863 Huile sur toile H. 208 ; L. 264,5 cm Paris, musée d'Orsay donation Etienne Moreau-Nélaton, 1906 © RMN, Hervé Lewandowski
[3]
Pablo Picasso (1881-1973) Le déjeuner sur l'herbe : femme assise, 26 août 1962 1962 Carton découpé, mine de plombH. 31,3 ; L. 25 ; Pr. 21,5 cm Paris, musée Picasso© Succession Picasso 2008 - Photo RMN / Béatrice Hatala
[4] Pablo Picasso (1881-1973) Le déjeuner sur l'herbe d'après Manet, 17 juin 1962 1962 Mine de plomb, pastel H. 42,5 ; L. 52 cm Paris, musée Picasso© Succession Picasso 2008 - Photo RMN / DR

Lien vers le site du musée: cliquer ici

dimanche 14 décembre 2008

De Mirò à Warhol: La Collection BERARDO à Paris

D'habitude je boycotte les expositions du Musée du Luxembourg. La dernière que j'étais allée voir était La Collection Philipps il y a plus de deux ans. Les organisateurs semblent d'ailleurs privilégier deux thèmes pour leurs expositions dans les galeries du Sénat: la présentation de collections privées (les collections du Dr Rau, Philipps, Berardo etc) et les monographies de très grands artistes (Raphaël, Véronèse, Titien, Arcimboldo, Vlaminck). Mais voilà, au Luxembourg, ce sont toujours les mêmes problèmes: l'entrée coûte excessivement cher (le tarif étudiant est à 10€), les expositions sont très petites (il y a 5 salles, et c'est toujours le même parcours), les cartels sont minimalistes et les textes aux murs ne font qu'évoquer en 4 lignes ce dont il est question dans la salle où l'on pénètre.

J'avais décidé de ne plus jamais aller à ce genre d'exposition mais voilà, j'ai reçu une invitation pour visite avec conférencier, petit déjeuner etc, je ne pouvais raisonnablement pas refuser. De plus, je préfère la présentation de collections privées aux monographies tapageuses et souvent ratées. Je trouve intéressant de connaître et comprendre, "en plus" des oeuvres, ceux qui les ont acquises. Les expositions Rau, Philipps ou Vollard (au musée d'Orsay en 2008), que j'avais toutes trois appréciées, sont de celles qui permettent de découvrir la personnalité d'un amateur d'art, ses inclinations, l'histoire de sa collection et sa place dans l'histoire plus générale du goût, du collectionnisme et/ou du mécénat.

La collection Berardo est celle d'un homme d'affaire portugais qui, né en 1944, a fait fortune en Afrique du Sud en exploitant des domaines phares au XXe siècle: l'or, le commerce du vin, la banque et les télécommunications. Amateur d'art mais se jugeant lui-même trop peu habile à l'acquisition des oeuvres, il chargea plusieurs personnes au cours des années 1990 de lui constituer une très riche collection d'art moderne et contemporain (plus de 800 oeuvres).
L'exposition du Luxembourg, orchestrée par André Cariou (conservateur au Musée des Beaux Arts de Quimper) propose un échantillon - et par conséquent une vision très subjective - de cette collection à travers environ 80 oeuvres. Vision d'autant plus subjective qu'elle bannit quasiment l'art contemporain et se concentre sur la période moderne. Le fait que le public du Luxembourg soit en très grande majorité constitué de personnes âgées aisées et plutôt traditionnalistes n'y est certainement pas pour rien.
De très belle qualité, les œuvres exposées permettent, selon l'accrochage, d'illustrer avec pertinence quelques grands mouvements de l'histoire de l'art du XXe siècle. La part belle est faite au Surréalisme (Magritte, Masson, Dalì, Mirò, Arp), au Pop Art & Nouveau Réalisme (Warhol, Tingely, Mimmo Rotella, Klein, Villeglé), aux abstraits lyriques (Joan Mitchell, Riopelle, Helena Vieira Da Silva) ainsi qu'aux abstraits géométriques (Hélion, Mondrian, le Bauhaus et De Stijl).
D'un point de vue esthétique l'exposition est assez réussie, la qualité des œuvres est au rendez-vous et il est assez fascinant d'imaginer la très récente constitution de cet ensemble qui a moins de dix ans. Cependant une impression très froide se dégage de ce regroupement. Il est vrai que les surréalistes et les abstraits géométriques privilégient rarement les couleurs chaudes, mais il est frappant de constater que la quasi totalité des oeuvres présentées est dans les tons bleu, vert et gris (un immense Warhol bleu, un IKB, un Joan Mitchell bleu, un Hélion très froid, un Pollock "chamaniste" bleu également...).
D'un point de vue muséographique et pédagogique c'est la déception habituelle.

Une exposition très chère, très courte, sans explication, très subjective par rapport à la collection qu'elle souhaite représenter. Comme me disait une petite grand-mère très charmante à l'accent toulousain: "Vous savez, moi je suis venue pour les peintures!" Encore faut-il avoir les moyens...

Photographies:
[1] Tom Wesselmann Great American Nude #52, 1963 © Adagp Paris 2008
[2] Andy Warhol Ten-foot Flowers, 1967 © Adagp Paris 2008
[3] René Magritte Le Gouffre argenté, 1926 © Adagp Paris 2008

Jusqu'au 22 février 2009.
Lien: http://www.museeduluxembourg.fr/

mardi 2 décembre 2008

Saint Nicolas

Quand on aime l'histoire de l'art, fréquenter et connaître les musées est primordial, mais il est bon de ne pas négliger les galeries non plus... (une partie des acquisitions de musées en proviennent...)
Osez donc pousser la porte des galeries du Carré Rive Gauche le samedi 6 décembre au soir, entre 16h et 22h, à l'occasion de la traditionnelle nocturne de la Saint Nicolas.
Depuis l'Antiquité jusqu'à l'art contemporain en passant par le mobilier rocaille, la peinture symboliste ou les dessins anciens, différents univers sont à découvrir sur le quai Voltaire et dans les rues voisines de Beaune, Verneuil, Lille, l'Université, les Saints Pères...

Pour tout connaître des galeries du Carré : http://www.carrerivegauche.com/accueil/

samedi 29 novembre 2008

Le Mystère et l'éclat, pastels du musée d'Orsay

Commissariat : Philippe Saunier, conservateur au musée d'Orsay
Exposition du 8 octobre 2008 au 1e février 2009
Paris, musée d'Orsay

Edouard MANET,
Portrait d'Irma Brunner,
v. 1880, pastel sur toile et châssis,
53,5 x 44,1 cm,
Paris, musée d'Orsay,
©photo musée d'Orsay / rmn

Une exposition est toujours, pour un musée, l'occasion de revaloriser ses collections. Aussi, les pastels du musée d'Orsay ont bénéficié pour l'occasion d'une importante campagne de restauration. Pour cette raison, ou parce qu'elles ont quitté leurs salles obscures des combles du musée, les œuvres semblent plus colorées, plus chatoyantes, plus vivantes.

La présentation de ces œuvres graphiques correspond parfaitement à leur esprit : au sol, la moquette étouffe les pas des visiteurs, les cimaises sont dans les tons prune et lilas pour créer une atmosphère intime et poudreuse. L'amplitude des salles permet la redécouverte de chefs-d'œuvre, dont la présentation sous verre est rendue quasiment invisible par un éclairage habile.

Une première salle introduit la technique et son histoire grâce à des œuvres du XVIIIe siècle et à des pièces contemporaines, qui sont plutôt bien choisies. L'exposition se cantonne ensuite aux œuvres d'Orsay, et exclut la première moitié du XIXe siècle car les néoclassiques se détournent du pastel. Le parcours se déroule en 13 sections chrono-thématiques, du réalisme au symbolisme en faisant quelques points sur des artistes virtuoses, comme Edouard Manet, Edgar Degas ou Odilon Redon. Les différents genres sont abordés, notamment le paysage et le portrait, qui renvoient sans doute à la pratique plus intime que permet cette technique, facile à transporter.

Raconter le contenu de l'exposition ne semble pas avoir un grand intérêt. Y sont rappelées les motivations des artistes qui choisissaient le pastel et leurs recherches formelles. Ce qui frappe surtout, c'est la manière dont chaque peintre conserve son style, son approche picturale : Manet travaille plutôt dans les aplats quand Lucien Lévy-Dhurmer joue du dégradé pour créer une sorte de sfumato et fondre ses figures dans le fond. Il faut attendre Redon pour qu'il y ait une véritable recherche sur les possibilités offertes par la technique, au-delà de l'imitation des effets de la peinture. La confrontation d'œuvres d'artistes aussi différents que Jean-François Millet et Pierre Puvis de Chavanne, ou que Emile Lévy et Georges Desvallières, met en évidence la richesse du pastel.

Rien de vraiment nouveau dans cette exposition, aucune révélation pour l'histoire de l'art, si ce n'est le plaisir non caché du public qui redécouvre des œuvres et une technique dans une présentation séduisante. A voir absolument avant que les œuvres ne retournent dans la nuit de leurs salles permanentes !

LIEN vers l'exposition sur le site du musée d'Orsay


vendredi 28 novembre 2008

Bronzes français : de la Renaissance au siècle des Lumières

Commissariat : Geneviève Bresc-Bautier et Guilhem Scherf, musée du Louvre
Exposition du 24 octobre 2008 au 19 janvier 2009
Paris, musée du Louvre, Aile Richelieu ; cours Marly et Puget, crypte Girardon, salle Houdon
Exposition coorganisée avec le Metropolitan Museum of Art de New York et le J. Paul Getty Museum de Los Angeles.
Prêts exceptionnels des collections royales anglaises, des musées de Dresde, de Toulouse et du château de Versailles.

Pierre Ier BIARD,
La Renommée,
bronze, H : 117 cm,
ailes restaurées par Chinard en 1805,
acquis en 1834, Paris, musée du Louvre


Placée sous le signe de l'« année européenne du dialogue interculturel », cette exposition vise à faire le point sur les bronzes français, jusqu'alors peu étudiés, contrairement à ceux italiens et germaniques ; à travers la production monumentale mais aussi le petit bronze d'agrément.

Trois difficultés se posaient avec un tel sujet : la faible popularité de la sculpture, les problématiques propres à son « accrochage » volumineux et à son poids, enfin la complexité de mise en œuvre d'un matériau souvent déprécié car il autorise le multiple. Cette exposition présente la production de sculpture en bronze à l'époque moderne, en convoquant les grands noms tels que Primatice, Jean Goujon, Germain Pilon, Barthélémy Prieur, Robert Le Lorrain, Michel Anguier, François Girardon, Pierre Puget, Jean-Baptiste Pigalle, Jean-Antoine Houdon. Chaque personnalité artistique est présentée par un texte mural qui met en évidence son traitement stylistique et rappelle sa place parmi ses pairs. Si le communiqué de presse annonce une division chronologique tripartite de l'exposition : « Du Maniérisme au Classicisme » (soit le XVIe siècle), «Un art majeur sous Louis XIV » (donc le XVIIe siècle) et enfin le « siècle des Lumières, de la Rocaille au Néoclassicisme » (et voilà pour le XVIIIe !) ; celle-ci n'est pas perceptible au cours de la visite. En effet, l'individualisation des artistes en petites sections monographiques et érudites successives ne permet pas d'avoir une vision globale de la production d'une période. En outre, on peut se demander s'il est encore fondé de construire une expositions grâce aux « ismes » de l'Histoire de l'art, dans une conception évolutionniste. Autant la production du règne du Roi Soleil peut trouver son homogénéité dans sa destination, autant il est difficile de percevoir le lien entre une figure de 1740 imprégnée par l'esprit « rocaille » et un bronze de la fin du siècle. Le lien entre une production « classicisante » de la fin du XVIe siècle et celle « néoclassique » des années 1780 n'est-il pas plus pertinent ?

De plus, la longueur et la complexité du parcours répond à l'amplitude de la fourchette chronologique. L'impossibilité de déplacer certaines œuvres a contraint à l'installation de l'exposition dans les collections permanentes. Il revient à la muséographie de créer le lien entre les oeuvres grâce à des socles, des rampes et une signalétique vert-de-gris, se mariant harmonieusement avec les œuvres. La dispersion des sculptures impose l'affichage de plans qui précisent le parcours que le visiteur doit suivre. Cependant, cette unité muséographique empêche toute matérialisation des découpages intellectuels du sujet et crée une certaine confusion pour le visiteur. On note ainsi que le public qui suit tout le parcours de l'exposition est rare. Il s'agit plutôt du visiteur occasionnel qui se laisse happer un moment au cours de sa visite des collections permanentes mais qui finit par décrocher d'un discours trop spécialisé.

Enfin, contrairement à ce que laisse entendre le texte introductif, le matériau, sujet de l'exposition je le rappelle, n'est absolument pas mis en valeur. Les cartels ne le mentionnent pas systématiquement, et seule une pauvre explication sur la technique de la cire perdue, incompréhensible et sans schéma, traîne dans un recoin de l'exposition, prête à dégoûter le misérable visiteur qui s'accrocherait encore à la visite. L'introduction met en évidence une variabilité, géographique et temporelle, des pratiques du bronze, mais rien ne fait dévier l'exposition d'une approche linéaire et biographique.

Il faut néanmoins souligner la qualité des éclairages, particulièrement soignés pour mettre en valeur les reliefs et les patines. Quant aux œuvres, c'est un pur plaisir. Donc, bonne visite!

LIEN vers le site du Louvre pour tout renseignement sur l'expo

jeudi 27 novembre 2008

Jacques Villeglé - La comédie Urbaine

Quand j'étais au lycée, ou même en premier cycle, le Nouveau Réalisme était abordé en cours un peu différemment des autres mouvements. Non seulement on parlait autant du contexte social et politique que des oeuvres, mais on ne montrait rarement plus d'une oeuvre ou deux par artiste. Comme si le mouvement était l'artiste et l'artiste, une oeuvre (si vous suivez...)

Mouvement français contestataire des années 1960, fortement marqué politiquement et socialement, le Nouveau Réalisme incarne le refus de la société de consommation venue des États-Unis. L'omniprésence de l'image, la publicité, les couleurs fraîches et clinquantes, les objets neufs et modernes (appareils électro-ménagers, voitures etc) sont matériellement et/ou symboliquement détruits par les artistes qui signent en 1960 le Manifeste de Pierre Restany. Les premiers signataires, en mai 1960 à Milan, Arman, François Dufrêne, Raymond Hains, Yves Klein, Jean Tinguely et Jacques Villeglé, sont rejoints jusqu'en 1963 par Martial Raysse, Daniel Spoerri, César, Mimmo Rotella, Niki de Saint-Phalle, Gérard Deschamps et Christo.
Ainsi, Jacques Villeglé fait partie du mouvement dès sa création et sa production correspond parfaitement aux revendications anti-consuméristes évoquées ci-dessus. Ami avec Raymond Hains depuis 1945, il arrache des affiches dans les rues de Paris à partir 1949. Il se revendique "flâneur", retouche rarement les affiches qu'il lascère et décolle des murs parisiens avant de les maroufler sur toile, et ne donne jamais pour titre autre chose que le nom de la rue et la date du décollage. Il détruit ainsi l'image lisse de la publicité, l'envie de la consommation. Se créent des jeux de matière, de superposition de couches, de typographie. Les mots et les images se rencontrent, s'opposent, donnent naissance à des chocs esthétiques, sémantiques etc.
L'exposition rétrospective de Beaubourg Jacques Villeglé - La comédie Urbaine nous présente en 9 salles le parcours de Villeglé. Plutôt bien réalisée, l'exposition suit un plan chronologique tout à fait bien venu puisqu'il s'agit d'une stricte monographie. Le découpage est clair, les murs colorés... Mais cela n'a malheureusement pas réussi à me convaincre de l'intérêt de l'art de Jacques Villeglé. Si j'apprécie, esthétiquement et contextuellement, ses palimpsestes colorés et modernes des années 1960, j'ai été très déçue d'apprendre qu'il n'avait jamais rien fait d'autre, si ce n'est un alphabet - tantôt socio-politique tantôt onomastique - à la typographie amusante mais peu révolutionnaire. L'artiste, aujourd'hui âge de 82 ans, semble avoir trouvé avec les publicités arrachées le "bon filon" et certainement les mécènes/ collectionneurs qui vont avec, et il n'en est jamais sorti. Celui qui se revendiquait contestataire en 1960 apparaît en 2008 un artiste peu imaginatif, routinier et systématique.

Si l'approche très réductrice qu'on fait des artistes nouveaux réalistes dans l'enseignement de l'Art du XXe siècle ne se justifie pas toujours (les carrières de Klein, Niki de Saint-Phalle ou César ne peuvent être comprises à travers une seule oeuvre) elle semble malheureusement explicable pour la carrière de Villeglé. Une fois qu'on a vu cinq, dix, quinze affiches, on a compris le système. L'artiste se confond ici avec l'oeuvre, elle est sa signature, sa marque de fabrique. Pourquoi pas. Mais peut-être pas pendant toute une vie?

http://www.cnac-gp.fr/Pompidou/Manifs.nsf/0/2DDA4F5D0DA91260C125748F0051CABF?OpenDocument

Photo:
[1] Rues Desprez et Vercingétorix - "La Femme", 1966
[2] Alphabet onomastique, 2006 , Sérigraphie sur Conquéror Vergé
[3] Place des fêtes 3 juillet 1972 Affiches lacérées marouflées sur toile

dimanche 23 novembre 2008

Le Futurisme embrouillé

Je ne prends jamais un très grand plaisir à parler des expositions que je n'ai pas aimées. Cet après-midi je suis allée visiter "Le Futurisme à Paris: une avant garde explosive", au Centre Georges Pompidou. Depuis que je suis sortie du musée j'essaie de mettre au clair mes idées pour écrire quelques lignes sur ce blog, et je me rends compte qu'il est assez difficile de clarifier sa pensée pour expliquer quelque chose qui ne l'est pas... ("ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire viennent aisément"!)

Le titre, la problématique, la muséographie, les textes explicatifs... rien n'est clair dans cette exposition.

Dès l'entrée, le petit feuillet explicatif nous indique que nous avons à faire à "neuf expositions en une". Ainsi, l'exposition s'organise en 9 salles non communicantes entre elles mais ouvertes chacune sur un espace qui entoure la salle centrale, lieu de la reconstitution de l'exposition Futuriste à Paris en 1912. Les huit salles satellites sont dévolues à des mouvements "relevant du cubofuturisme" (à l'exception de l'installation contemporaine de Jeff Mills).
Première déception (et erreur des commissaires) on entre par une salle consacrée au "cubisme vu par les Futuristes". Quand on n'a pas encore pris contact avec le mouvement, ses artistes, son manifeste ni ses oeuvres, difficile de comprendre son positionnement par rapport au cubisme dont il emprunte les formes (l'éclatement en facettes de l'objet représenté) mais conteste les sujets (jugés trop académiques).
Suit une salle consacrée au célèbre Manifeste de Marinetti, publié en février 1909 dans le Figaro. La salle présente uniquement des manuscrits et imprimés, sans lier le Manifeste aux oeuvres ni aux artistes.
La troisième salle est consacrée à l'installation contemporaine de Jeff Mills. Outre mon exaspération pour la mode des installations contemporaines dans les expositions (Kiefer à Orsay pour Lovis Corinth, Jan Fabre au Louvre, Jeff Koons à Versailles etc.), j'ai du mal à comprendre l'intérêt de cette installation vidéo et surtout sa place dans l'exposition. On n'a, je le rappelle, pas encore vu une oeuvre futuriste.
La quatrième salle est donc celle de la reconstitution. C'est sans conteste l'une des plus intéressantes, elle recèle les incroyables "États d'âmes" de Boccioni mais on reste sur sa faim quant aux commentaires! Jamais on ne nous explique ce qu'est une OEUVRE futuriste. Sa touche, sa couleur, sa forme, sa lumière, son sujet, ses recherches formelles. Il aurait été intéressant, sinon fondamental, de rappeler que c'est l'amour pour la vitesse, et donc la représentation décomposée de la forme en mouvement qui est au coeur de la recherche futuriste. Ce qui n'empêche pas les artistes d'emprunter formellement au Symbolisme, au Cubisme, à l'expressionnisme allemand des Die Brücke...
Les salles "satellites" qui suivent présentent toutes le même défaut d'imprécision et de confusion. On ne comprend pas vraiment POURQUOI et EN QUOI le Futurisme se rapproche ou se démarque de la Section d'Or, du Cubofuturisme Russe, du Vorticisme anglo saxon (d'ailleurs à ce moment là, je n'ai plus compris pourquoi le titre était "le Futurisme A PARIS") ou de l'Orphisme. Les mouvements sont mal définis, le choix des oeuvres jamais justifié, les oeuvres futuristes se mélangent aux autres, on ne les distingue plus... Bref, on est vite perdu.

Tout ça fait une exposition "brouillon" au cours de laquelle on n'apprend pas grand chose sur le Futurisme en lui-même. On comprend néanmoins, en regardant les oeuvres, qu'il s'agit d'un mouvement phare de l'avant-garde européenne des années 1910-1915, au cours de laquelle tous les artistes partagent, malgré les différents noms des groupes dont ils font partie, les mêmes préoccupations formelles. L'éclatement de la forme, la décomposition du mouvement, la diffraction de la lumière, la mécanique du corps humain... sont autant de questions qui se posent quand est déclaré vain le mimétisme de la nature.

Pour ne pas finir sur une note totalement négative, une trouvaille amusante et intelligente de l'exposition est l'impression des citations que l'on trouve habituellement sur les murs sur des petits papiers colorés, des petits présentoirs "servez-vous" jalonnent ainsi le parcours.
Autre note positive: certaines oeuvres sont superbes, c'est toujours agréable de voir les magnifiques "États d'âme" de Boccioni, "L'équipe de Cardiff" de Delaunay, "La prose du Transsibérien" de Sonia Delaunay, un "Nu Descendant l'Escalier" de Duchamp, "La noce" de Léger, une série de Kupka... des incontournables du XXe siècle!

Photo:[1] Luigi RUSSOLO: La révolte (1911) [Paris, MNAM]
[2] Giacomo BALLA : Petite fille courant sur un balcon (1912) [ Milan, Gallerie d'art moderne]
[3] Umberto BOCCIONI: Le rire (1911) [New York, MoMA]
[4] g. à d. : L. Russolo, C. Carra, F.T. Marinetti,U. Boccioni, G. Severini à Paris en février 1912 à l’occasion de l’exposition « Les Peintres futuristes italiens » [Paris, galerie Bernheim-Jeune & Cie]

lien: http://www.cnac-gp.fr/Pompidou/Manifs.nsf/0/8A7DB015D6F71FF3C12574C0005075B1?OpenDocument&sessionM=2.1.2&L=1

vendredi 21 novembre 2008

Celtes et scandinaves au musée du moyen-âge

Loin des images austères ou glorieuses du christianisme auquel nous sommes habitués, le premier art chrétien — qu'il soit romain, copte, gaulois ou celte— m'a plu dès que j'ai fait sa connaissance. J'aime la virtuosité (décorative et païenne) qui se mêle à la maladresse (la figure humaine nouvellement arrivée avec le Christianisme n'est pas encore bien assimilée) pour donner naissance à un art un peu chaotique de mélanges ludiques et inattendus.

Ce moment de "christianisation" est jusqu'en janvier à l'honneur dans les deux première salles du musée de Cluny, à travers l'exposition "Celtes et Scandinaves: rencontres artistiques VIIe-XIIe". À travers deux salles et un parcours simple et efficace (mais trop rapide, c'est plus une évocation qu'une exposition!) le musée de cluny propose au visiteur de découvrir la production artistique de ces régions nordiques peu connues: une première salle est consacrée aux objets Britanniques, Écossais et Irlandais, une seconde à ceux du Danemark, de Norvège et de Suède (on remarque d'ailleurs la générosité en matière de prêts de la part du Musée de Stockholm).
Évangélisés très progressivement (au Ve siècle par Saint Patrick en Irlande, au XIe par Saint Olaf pour la Norvège, au XIIe siècle pour la Suède), les royaumes barbares des celtes et scandinaves (ceux qu'on appelle Vickings entre le IXe et le XIe siècle) adaptent à leurs techniques artisanales et artistiques traditionnelles la nouvelle iconographie de la religion chrétienne. L'orfèvrerie, l'enluminure, la sculpture sur pierre ou sur bois présentent à chaque fois à différents degrés le syncrétisme entre la culture païenne et la culture chrétienne, entre assimilation, remploi, cohabitation, juxtaposition. Ainsi, en Irlande les enluminures monastiques mêlent habilement Christ en Gloire et décor d'entrelacs, en Écosse les croix de Granit sont sculptées en méplat de figures naïves dont le sens prime sur la forme et les proportions, et la virtuosité de l'orfèvrerie se met au service de petites croix-pendentifs et autres reliquaires précieux.

Dépaysant, frais, mal connu, l'art celte et surtout scandinave aurait mérité qu'on s'y attarde un peu plus, mais cette petite évocation est plutôt bien faite et se parcourt avec plaisir.

Infos pratiques et Dossier de Presse:
www.rmn.fr/Celtes-et-Scandinaves http://www.presse.rmn.fr/phpmyimages/public/image.php?ev_id=158

Photo:
[1] Valkyrie, Statens historiska museum Stockolm, ©Statens historiska museum, Stockholm/Christer Åhlin, Suède, Xe siècle, argent
[2] Fibule, VIIIe siècle, National Museum of Scotland ©Courtesy of the Trustees of the National, Museums of Scotland
[3] Fragment de croix de Momifieth National Museums of Scotland Edimbourg, Ecosse ©Courtesy of the Trustees of the National Museums of Scotland, Ecosse, XIe-Xe siècle

jeudi 13 novembre 2008

Les Femmes d'Alger

Au Louvre, Picasso est accroché à côté de Delacroix autour du thème "Femmes d'Alger".

Quand je traverse la salle communément appelée "des Grands Formats XIXe" j'ai toujours l'impression qu'il flotte dans l'air une sorte de brume grisâtre. Sur les immenses murs rouges cramoisis (façon musée du XIXe) de la salle, les plus grands (au sens propre comme au figuré) Géricault, Delacroix, Ingres, David, Sheffer etc. me paraissent en effet toujours enveloppés d'un voile. Poussière, vieillissement des vernis (chanci, ou brunissement), manière un peu "floue" de certaines oeuvres orientalistes, bref, tout concourt à l'effet de brouillard au premier étage de l'Aile Denon. Je traverse donc la salle, bouscule les groupes de touristes habituels plantés devant Napoléon, et j'arrive dans le Salon Denon, vaste salle carrée où sont habituellement exposés des peintres peu regardés du public (Devéria, Michallon etc).
La dizaine de toiles et dessins de Picasso choque immédiatement. Les couleurs vives, crues, sorties du tube avec violence, empressement et exaltation, les cernes noirs énergiques, contraignants... les couleurs du peintre espagnol sortent littéralement du brouillard ambiant, et l'on aperçoit seulement après les douces Femmes d'Alger de Delacroix, peintes 120 ans avant celle de Picasso. Nombreux sont ceux qui critiquent le jeu de la confrontation à propos des 3 expositions Picasso actuellement à Paris. Il est vrai que la "référence" en art est un problème épineux: comment parler des "sources" iconographiques, techniques, esthétiques d'un peintre sans donner l'impression que son oeuvre n'est qu'une "reprise"? Comment ne pas écraser l'inspirant par l'inspiré (ou inversement)? Dans le cas de la confrontation de Picasso avec Delacroix, je n'ai pas l'impression qu'il faille s'inquiéter de cette possible rivalité entre celui qui inspire et celui qui reprend. Le rapprochement des deux oeuvres du même thème (un univers orientaliste, féminin et clos) fait autant éclater les ressemblances (Picasso reprend des détails iconographiques, la gestuelle de certains personnages, l'idée d'un intérieur fermé etc) que la puissante originalité des deux peintres. Les femmes de Delacroix sont volupteuses, sensuelles, parfumées et dorées, celles de Picasso sont multicolores, puissantes, imposantes, gonflées de vie et de sexualité. Si Delacroix nous fait pénétrer dans l'univers intimes de ces femmes d'Alger avec pudeur et sérénité, Picasso nous présente des lieux chaotiques, anguleux, vifs, à la matière épaisse, et notre oeil, contrairement à chez Delacroix, n'a pas le droit au repos. Les deux peintres dialoguent et s'opposent, sans masquer l'autre. Notre oeil passe sans cesse de l'un à l'autre: attiré par la fougue picassienne, il ne peut s'empêcher de revenir vers Delacroix, comme pour mieux saisir ces deux personnalités. Il ne s'agit pas de jouer à "comparer" mais d'observer pour comprendre la composition, la lumière, l'énergie des personnages...
Je n'ai pas (encore) vu le "Picasso et ses maîtres" du Grand Palais, et je ne sais pas comment s'organise cette exposition basée sur la confrontation systématique de "Picasso avec ..." mais l'accrochage de quelques Picasso au Louvre, avec peu de texte (pas besoin de plus), au milieu des salles XIXe est un pari réussi!

Exposition du Louvre: infos pratiques & dossier de presse: http://www.louvre.fr/llv/exposition/detail_exposition.jsp
Exposition du Grand Palais www.rmn.fr/Picasso-et-les-maitres
Exposition du Musée d'Orsay www.musee-orsay.fr/fr/manifestations/expositions/au-musee-dorsay

mercredi 1 octobre 2008

Mantegna

Pour commencer sa saison 2008-2009, le Louvre se consacre à la Renaissance italienne, à travers l'oeuvre d'un de ses plus grands représentants, dont le nom est cependant assez peu connu de grand public (dès qu'on sort de Raphaël, Léonard, Michel-Ange, Titien et Véronèse...) Andrea Mantegna (1431-1506).

Né à Isola di Carturo entre Padoue et Vicence, Mantegna fait partie de ceux qu'on appelle les peintres des "cours italiennes", c'est-à-dire ceux qui sont originaires et font carrière hors du berceau florentin, de la Rome papale ou de la commerçante cité vénitienne. Formé par le peintre Squarcione — dont il gardera le goût pour le détail et les guirlandes de fleurs et de fruits — le jeune Mantegna rencontre probablement Donatello à Padoue avant d'épouser la fille de Giacopo Bellini, père de Giovanni et Gentile, union qui l'introduit auprès des plus grands peintres vénitiens de la fin du Quattrocento. En 1460, Mantegna entre au service de la puissante famille ducale des Gonzague à Mantoue, pour laquelle il peint la très célèbre Chambre des Époux entre 1465 et 1474. Mais Mantoue n'est pas la seule cour italienne en pleine "ébullition artistique" où Mantegna travaille. Il répond à des commandes pour les villes de Pise, Florence, Ferrare, Rome (sur appel du Pape)...
À travers un plan "strictement chronologique" l'exposition se veut la suggestion du "parcours poétique de l'artiste" depuis la Padoue "bouillonnante" jusqu’à l'impuissance face à la génération de la "maniera moderna", selon Vasari, des Corrège et Léonard de Vinci.

Sans s'appesantir sur la définition de la Renaissance, l'exposition réussit plutôt brillamment l'exercice monographique sans lasser le visiteur. La présence d’œuvres de nombreux autres artistes (Donatello, Bellini, Corrège pour les grands, et bon nombre de maîtres secondaires) permet de comprendre dans un contexte artistique assez vaste l'oeuvre de Mantegna , par ailleurs d’une très grande qualité. Il est d'ailleurs frappant de constater à quel point ses oeuvres sont supérieures aux Schiavone, Da Forlì, Zoppo etc. Quelques-unes venant de collections étrangères sont d'une beauté à tomber à la renverse (je trouve qu'elles méritent à elles seules la visite): la Sainte Justine de Padoue [photo] (Brera, Milan), La Cironcision (les Offices, Florence), un Saint Apôtre dessiné à la pointe métallique (Offices, Florence), ou Le Christ entre deux anges, pour l'incroyable linceul blanc et le tombeau de porphyre moucheté; et les oeuvres du Louvre se découvrent hors du couloir de l'infernale Grande Galerie (La crucifixion, La Vierge de la Victoire ou le décor du Studiolo d'Isabelle d'Este [photo]).

L'ensemble de tableaux et dessins permet de comprendre l'évolution stylistique du peintre, depuis la minutie précieuse et les profils en médailles des années 1440 aux personnages plus amples et doux du début du XVIe siècle, et d'apprécier la parfaite maîtrise des drapés ou la science dans l'agencement des couleurs franches. Incroyablement mesuré, précis et équilibré (Philippe Dagen dans Le Monde le qualifie même de "maniaque" et "obstiné") l'art de Mantegna s'inspire aussi bien de l'érudition archéologique et du goût pour l'Antique de Squarcione, que de la minutie (botanique par exemple) de Van Der Weiden ou de la lumière dorée des Bellini, sa belle-famille.

Si l'exposition présente certains défauts (habituels au Louvre : certaines salles sont un peu vides et d'autres sont un peu "goulot d'étranglement", la couleur des murs est parfois "tristoune" et certaines infos sont écrites trop petit) les oeuvres sont d'une telle qualité qu'on ne peut passer à côté.

www.louvre.fr

jeudi 25 septembre 2008

Bernardins chagrin

Curieuse comme de nombreux de parisiens de découvrir l'intérieur rénové du Collège des Bernardins, j'ai moi aussi fait la queue dimanche dernier (Journée du Patrimoine) pour pénétrer dans le lieu d'étude et de prière des moines cisterciens du XIIIe siècle. Avec la création, à partir des années 1200, des grandes universités, les villes de France d'Italie et d'Angleterre accueillent l'arrivée de monastères jusque là établis dans les zones rurales. Commencé en 1245 par l'Abbé de Clairvaux, l'ancien Collège Saint Bernard est situé au coeur du quartier latin. Il est pendant quatre siècles un lieu élitiste d'enseignement théologique avant d'être vendu comme bien national à la Révolution, puis transformé successivement en prison, école, caserne de pompier puis internat. En 2004, l’Architecte en Chef des Monuments Historiques, Hervé Baptiste et l’architecte Jean-Michel Wilmotte, prennent en main la restauration du bâtiment désormais destiné à devenir un "Lieu de recherche et de débat pour l'église et la société".
Si la conservation, dans l'état le plus stable, d'un monument historique dans un but de transmission aux générations futures comme témoignage historique et artistique du passé est une mesure qu'il faut célébrer — et encourager — la remise en état d'un tel monument nécessite un respect de l'architecture d'origine, une modestie dans le travail... et aussi un peu de bon goût.
Ces conditions semblent loin d'avoir été le soucis de Baptiste et Willemotte, lorsqu'ils ont inclu dans la nef du rez-de-chaussé une librairie, ou ont transformé le cellier en une suite de petites salles de conférence dont les portes grises massives coupent l'espace et évoquent plus la prison que l'épanouissement intellectuel. Enfin l'éclairage très "à la mode" (des spots oranges dans le sol, le long des colonnes, donnent l'impression que les piliers disparaissent vers le haut) est superflu et grandiloquent.
Je n'en dirai pas plus, un commentaire brillant sur cette triste restauration ayant été publié il y a déjà 3 semaines par Didier Ryckner, dans la Tribune de l'Art (dont je suis une lectrice assidue):
http://www.latribunedelart.com/Patrimoine/Patrimoine_2008/Bernardins_533.htm .
La Tribune ne s'appesantit pas sur la programmation "culturelle" du lieu. D'après ce qu'on peut lire sur le site, elle semble très éclectique, allant de la musique électroacoustique au cinéma des années 50 en passant par la peinture abstraite ou le récital de musique classique. Ca donne un peu une impression "fourre-tout", sans identité. Un peu de la culture à la louche...

Le lieu est malgré tout d'une grande beauté, pure et cistércienne, et il sera à nouveau visible gratuitement à l'occasion de la Nuit Blanche, le 4 octobre (http://www.paris.fr/portail/nb2008/Portal.lut?page_id=8707
)

Rue de Poissy M°10: Maubert Mutualité ou Cardianl Lemoine
http://www.collegedesbernardins.fr/

samedi 13 septembre 2008

Moins de luxe et plus de calme à la biennale

Il y a deux ans, la Biennale des Antiquaires se réinstallait après de nombreuses années d'absence, pour cause de rénovation, sous la verrière du Grand Palais. Stands immenses, univers personnalisés et originaux, parquets en bois massif, cimaises colorées, lumières séduisantes très travaillées... bref tout était mis en oeuvre pour accueillir les plus grandes galeries d'art du monde entier (Paris, Genève, New York etc) et magnifier les retables florentins du XVe, les statues votives du Bénin, les incontournables Picasso, Matisse, Vlaminck, Degas, les porcelaines chinoises, les dernières créations de Cartier ou Dior, les consoles rococo et autres fauteuils cabriolets XVIIIe... Que l'on ait été fasciné ou insupporté (souvent les deux à la fois) par la débauche de luxe, de champagne et de chaussures à talons qui entouraient des objets d'art incroyables, on ne pouvait nier la très grande qualité de la manifestation.

Morosité ambiante, crise du pouvoir d'achat? Cette année la biennale semble avoir "descendu d'un cran" et l'ambiance se rapproche plus de celle du Pont Alexandre III (Paris) ou de Tour et Taxis (Bruxelles). Les stands semblent tous plus petits, beaucoup moins originaux et personnels, assez basiques (moquette grise et cimaises en tissus crème pour beaucoup). La qualité des objets est au rendez-vous (pour moi qui aime la peinture, impossible de ne pas rester skotchée devant les Guardi, Sassoferato, Van Baburen, Chassériau, Hopper, Mirò, Picasso, ou Chu Teh Chun) mais l'ambiance n'est pas la même, et la visite se fait beaucoup plus rapidement qu'il y a deux ans, on peut, en trois heures, tout voir avec attention.

XXIVe Biennale des Antiquaires, Grand Palais
11-21 septembre 2008; 11h-23h (entrée 20€, TR 10€ étudiants en art)
http://www.bdafrance.eu/

mercredi 25 juin 2008

Tichy et Rouault : deux petites expositions du MNAM

Deux petites expositions incluses dans le parcours des collections sont présentées depuis quelques jours au Musée National d’Art Moderne – Centre Georges Pompidou : une rétrospective Miroslav Tichy (jusqu’au 22 septembre 2008), et un Hommage à Georges Rouault (1871-1958) L’effervescence des débuts (jusqu’au 13 octobre 2008). Simple et intéressant, à voir au cours de sa visite du MNAM.

Âgé de plus de 80 ans, Miroslva Tichy est un photographe tchèque né en Moravie en 1926. Totalement inconnu jusqu’en 1989 son travail n’est présenté dans le milieu muséal que depuis 2004 (avec la biennale de Séville). La rétrospective du MNAM est la première présentation des œuvres de l’artiste en France et regroupe une centaine de photographies.

Très simplement accrochée, l’exposition présente les photographies sans autre commentaire que des citations de l’artiste et un petit film.
« Pour moi la femme est un motif. La silhouette (debout, inclinée, assise), le mouvement (la marche) rien d’autre ne m’intéresse. L’érotisme n’est qu’un rêve, de toute façon. »
Le principal sujet de l’œuvre de Tichy est en effet la femme — si l’on excepte de rares paysages. Sensuelles et évanescentes, ses figures féminines anonymes et souvent floues ressemblent à des apparitions. Les photographies, prises parfois sans que Tichy ne regarde dans le viseur, sont développées par l’artiste de façon rudimentaire, ce qui l’amène à jouer ensuite avec les surexpositions, les erreurs de cadrage, les tâches ou les déchirures de ses images. Il les retouche enfin avec un trait ou deux de crayon avant de les monter sur de simples matériaux de récupération (journal, carton etc).

L’Hommage à Georges Rouault (à l’occasion du 50e anniversaire de sa mort), sous-titré l’effervescence des débuts invite à (re)découvrir les débuts du peintre, les années 1892-1915 environ. Ami des fauves Henri Matisse et Albert Marquet, dont il partage dans sa peinture la vigueur — voire la violence — des coups de pinceaux, Georges Rouault se singularise par sa couleur, le bleu. Souvent cernée d’un trait noir incisif, tantôt diluée tantôt fortement empâtée, toujours incertaine, comme « salie », sa couleur est à la fois mystique, onirique et violente. Si elle n’est pas sans rappeler les tons de Picasso dans sa « période bleue » (1901-1904), elle est utilisée pour des sujets aussi divers que des paysages animés (le Jardin de Versailles), des scènes de cirque, des moissonneurs ou encore des nus féminins. La variété des sujets va de pair avec une grande diversité du style, de la touche et de la ligne. Rappelant tour à tour Picasso (et les saltimbanques de sa période rose, 1904-1907), Matisse ou Braque dans ses nus à la géométrie légèrement cubiste ou aux lignes courbes, ou le primitivisme de Larionov et Goncharova dans le style et le thème des moissonneurs, Rouault apparaît dans ses premières années au cœur de l’effervescence des avant-gardes. Si son style semble encore mouvant, sa couleur crée l’unité et affirme son originalité.

jeudi 19 juin 2008

Figuration narrative

Surfant sur le quarantième anniversaire de Mai 68, le Grand Palais expose jusqu'au 13 juillet les artistes de la Figuration Narrative, Paris 1960-1972. Sans être un véritable mouvement, la Figuration Narrative regroupe à partir de 1964 (année de l'exposition Mythologies quotidiennes, organisée par les peintres Bernard Rancillac et Hervé Télémaque, et du critique Gérald Gassiot-Talabot et présentée au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris) les artistes français (ou venus en France) des années 60-70, contemporains des artistes Pop d'Outre Atlantique.

Dans un style coloré, souvent criard — voire d'un mauvais goût revendiqué — à la fois ludiques, oniriques et dénonciateurs, les artistes de la Figuration Narrative peignent en aplats avec de larges cernes des tableaux aux figures juxtaposées. Ils trouvent leur inspiration dans les personnages de dessins animés (Walt Disney par exemple) ou la publicité sous ses multiples formes (et la société de consommation en général). Ils s'intéressent également au cinéma et à la photographie, ou encore aux toiles des grands maîtres qu'ils détournent (la Maja Desnuda de Goya est renversée à 180 degrés, une Danaé acéphale est recouverte de fleurs, Picasso est revu et corrigé dans un Guernica en couleurs...) Enfin, les figures de Mao, Marx, Giscard ou Pompidou ne sont pas absentes des toiles politiquement engagées de Jacques Monory, Peter Klasen, Errò, Henri Cueco ou Gérard Fromanger.

En exposant sur des cimaises zigzagantes aux couleurs pop des artistes peu connus du grand public, l'exposition du Grand Palais permet de découvrir un aspect intéressant de la production française des années 1960-70, qui rappelle que ces années ne sont pas seulement celles du recyclage des Nouveaux Réalistes, des monochromes de Klein ou des minimalistes lignes, cercles et points des jeunes contestataires BMPT.

www.rmn.fr/Figuration-narrative.

[1] Hervé Télémaque, Banania n°3, 1964, huile sur toile, Collection particulière, France.
[2] Jacques Monory, Velvet Jungle, n°13, huile sur toile, MAM ville de Paris
[3] Henri Cueco, Marx, Freud, Mao, huile sur toile, 1969, MAM ville de Paris

vendredi 23 mai 2008

Monumenta 2008: le minimalisme de Richard Serra

Radicalement différente du cataclysme d'Anselm Kiefer (Chute d'étoiles, Monumenta 2007), l'édition Monumenta de cette année invite sous la verrière du Grand Palais le sculpteur américain Richard Serra (né en 1939).
Avec Promenade, Serra opte pour l'épure la plus totale. Minimale, son oeuvre est constituée de 5 immenses plaques d'acier de 17 m de haut et 4m de large. Légèrement penchées ou décentrées, elles sont dressées selon l'axe longitudinal de la nef. Avec ces 5 plaques, Serra joue sur l'équilibre (les plaques ne semblent reposer que sur la tranche), la multitude des points de vue, le rapport à l'architecture et à l'espace, la surface du matériau...

Comme l'année dernière, Monumenta se veut pédagogique: des médiateurs et des audioguides gratuits sont à disposition. Un peu déçue par le discours des médiateurs de l'année dernière, j'ai cette année pris l'audioguide, très bien fait, qui permet d'en savoir plus sur Serra, son oeuvre, ses influences et ses rencontres.
Un peu déroutante au départ, Promenade devient progressivement une expérience zen qui permet de découvrir avec simplicité l'art de Richard Serra et de (re)découvrir, au calme, l'immense nef du Grand Palais.

N.B: Y aller à la tombée de la nuit, vers 21-22heures, quand les changements de couleurs du ciel et de lumière modifient en douceur la perception des oeuvres.

www.monumenta.com

mercredi 21 mai 2008

Marie Antoinette

Prenant mon courage à deux mains, j'ai décidé ce matin d'affronter l'événement Marie-Antoinette, blockbuster du moment au Grand Palais (jusqu'au 30 juin 2008).

Malgré l'heure matinale et mon exemption de file d'attente, je me suis retrouvée dès la première salle dans un bain de foule. Ma première crainte, celle du public féminin sexagénaire et très bavard, se vérifie et me conforte, dans les premières minutes, dans mon a priori très négatif de l'exposition. En effet, depuis le mois de mars, Paris est envahi par les affiches sucrées de Marie-Antoinette. Devant un tel battage on ne peut s'empêcher d'associer l'exposition à l'image Coppola de Marie-Antoinette, à la Disneylandisation croissante du château de Versailles — le Hameau de la Reine a été subtilement rebaptisé "Domaine de Marie-Antoinette" — ou à celle des expo du Grand Palais en général — l'exposition Walt Disney y avait-elle vraiment sa place? La reine, sans cesse réhabilitée, devient la "victime" de la Révolution, l'icône de la jeune femme libre sacrifiée etc. Marketing, people, commerce, kitsch, bref, je m'attendais au pire.

Avertis, les commissaires de l'exposition se prémunissent de toute attaque dès l'introduction. Ils évoquent les clichés associés à Marie-Antoinette ("frivole, dépensière, victime"), la littérature surabondante qui lui est consacrée, les films... Leur démarche est la suivante: "Cette exposition cherche à donner des réponses [à ces clichés] en révélant Marie-Antoinette dans toute la diversité de sa personnalité". Pour ce faire, l'exposition comporte 3 parties, suivant la vie de la reine: l'époque de l'éducation à la naissance des enfants, le temps des fastes versaillais, et la chute de la Révolution.

Dans une muséographie fastueuse, soignée et séduisante — les salles en enfilade évoquent les appartements de Schönbrunn ou Versailles — la première partie présente un ensemble de peintures (Bellotto, Liotard, Vigée le Brun [photo 1]), sculptures (Boizot, Lemoyne, Lecomte) et d'objets d'art (meubles Boulle, chinoiseries), le tout sur fond de musique Baroque. Très descriptif et généalogique ce premier acte comporte néanmoins quelques objets superbes, tel le coffre à bijoux en bois de rose et sycomore agrémenté de procelaine de Sèvres peinte, par Martin Carlin. La dernière salle "La Reine et son image" (la plus intéressante) aborde, trop succinctement malheureusement, la question du rapport entre la reine et les artistes officiels.
La deuxième partie, celle des fastes, est elle aussi particulièrement réussie sur le plan scénographique — les cimaises évoquent les coulisses d'un décor d'Opéra XVIIIe. De la même façon, le discours sur Marie-Antoinette et son rapport à l'art et aux artistes (puisqu'il s'agit ici de la comprendre, entre autres, en tant que mécène et collectionneuse) est souvent assez léger et peu original. La qualité des objets est en revanche au rendez-vous: le boudoir de Fontainebleau par Riesener [bureau, photo 2] et Jacob est impressionnant de virtuosité, de même que les fauteuils de J.B. Claude Sené, les orfèvreries de Feuchère...
L'exposition se termine par la période Révolutionnaire [photo 3], de la fuite à Varenne à l'échafaud, en passant par le séjour à la tour du Temple. Le silence et l'obscurité de la longue salle contrastent avec les fastes précédents.

Moins emphatique que ce que je redoutais, l'exposition Marie-Antoinette reste cependant très consensuelle. On n'apprend rien de très nouveau sur la reine, et on reste sur sa faim quant au contexte historique et esthétique, le rapport entre art et pouvoir etc — même si l'exposition se veut biographique elle présente en majorité des oeuvres d'art. Si je désapprouve le concept d'une exposition "Marie-Antoinette" (pour les raisons écrites dans le premier paragraphe), je ne la déconseille pas pour autant. Le souci muséographique, et surtout la présence de pièces maîtresses de l'art somptuaire au XVIIIe siècle méritent la visite.

http://www.rmn.fr/Marie-Antoinette

dimanche 18 mai 2008

Ma nuit des Musées

Hier soir comme chaque année depuis 1999 (l'initiative française n'est européenne que depuis 2005) la Nuit des Musées permettait de découvrir gratuitement et sous un angle nouveau plus d'un millier de musées en France.
À Paris, les musées de Zadkine et Rodin offraient des moments originaux et féériques, très loin de la vision traditionnelle de la sculpture.
Le musée Zadkine, musée de la ville de Paris installé dans l'ancienne maison-atelier de l'artiste, proposait dans son superbe petit jardin — les figures humaines de bronze s'inscrivent parfaitement dans la végétation très foisonnante — un duo de danseuses contemporaines et des récitations de poèmes. Les salles du musée était également ouvertes gratuitement, et les hautes fenêtres de l'atelier laissaient voir, au-delà des oeuvres, le jour tomber sur les sculptures du jardin.

Au musée Rodin, la visite nocturne des jardins à la lampe de poche (l'opération a déjà quelques années) offrait une expérience magique. Des petites lampes de poches distribuées gratuitement permettaient, dans le noir et la fraîcheur des jardins, de découvrir à son rythme les reliefs et les jeux de surface des bronzes de Rodin. Une musique berbère envoûtante provenant du centre du jardin attirait les visiteurs jusqu'à la projection sur grand écran du film d'un homme nu jouant de la flûte (Joueur de flûte, 1996, par Adel Adbessemed). Enfin, diverses télévisions silencieuses diffusaient des films de chats lapant du lait, complétant cette atmosphère sereine et insolite.

http://www.paris.fr/portail/Culture/Portal.lut?page_id=6471
www.musee-rodin.fr/