lundi 14 avril 2008

Goya graveur

La gravure a la vent en poupe... Face à Van Dyck graveur, l'art du portrait au musée du Louvre (très belle petite exposition, jusqu'au 05/05/2008), et un peu plus d'un an après Rembrandt, Eaux fortes au début de l'année 2007, le Petit Palais s'arrête en ce moment sur l'oeuvre en noir et blanc du peintre Francisco Goya (1746-1828), avec une superbe et très riche exposition: Goya graveur (jusqu'au 8 juin 2008).

Regroupant les fonds du Petit Palais (le legs Dutuit) et de l'INHA (la collection Doucet) l'exposition présente 280 œuvres, parmi lesquelles 210 estampes, dont certaines inédites. Très complète, l'expo envisage la question de la gravure chez l'artiste espagnol depuis ses influences (les premières copies des Rembrandt, Vélasquez et Tiepolo, mais aussi les Caprices de Piranèse et des gravures populaires) jusqu'à sa postérité chez les peintres français romantiques puis symbolistes (Delacroix, Manet, Redon...)
Entre les deux sont présentées les grandes oeuvres gravées de l'artiste: les séries des Caprices (1797-1799), des Désastres de la Guerre (1810-1820), de la Tauromachie (1815-1816) et des Disparates (1816-1823). Critiquant avec une force incroyable le pouvoir religieux (l'Inquisition) ou terrestre (les souverains espagnols puis l'impérialisme français), et plus généralement la cruauté et la bêtise humaine, Goya crée des images fantastiques, subtiles et contrastées, à la fois grinçantes, monstrueuses, fascinantes, absurdes et ironiques.

L'exposition, chronologique, n'oublie cependant pas les questions techniques liées à la gravure. Tout au long du parcours les deux aspects, esthétiques et techniques, se lient et se complètent, grâce aux choix — toujours expliqués — des différentes épreuves. Pour la première fois, une exposition s'attache à nous montrer le processus de création d'une oeuvre gravée, depuis le croquis préparatoire jusqu'aux éditions, nous présente les cuivres, les suites d'états successifs, les éditions posthumes, nous explique enfin les techniques de l'eau forte, du burin ou de l'aquatinte.

Extrêmement longue (compter environ 2h30) l'expo évite l'indigeste grâce à un propos clair, une muséographie ample (nécessaire repos de l'oeil après l'observation d'innombrables petites hachures!) et grâce au "contrepoint" technique. Après la très belle exposition Carriès (11/10/2007 au 27/01/2008), où l'on pouvait toucher des échantillons de plâtre, cire, bronze etc, pour comprendre les matériaux du sculpteur, le Petit Palais persévère dans le choix judicieux d'une présentation des techniques de création, c'est tant mieux!

www.petitpalais.paris.fr/

mercredi 9 avril 2008

Lovis Corinth

D'un côté de la Seine, au musée du Louvre, on est désemparé face à l'ampleur de l'exposition Babylone: multitude des objets, complexité chronologique, érudition du propos, longueur des textes explicatifs... Sur l'autre rive, le musée d'Orsay nous offre à voir en ce moment exactement l'inverse avec sa rétrospective du peintre allemand Lovis Corinth (1858- 1925) "Entre Impressionnisme et Expressionnisme".

Le commissaire de l'exposition, Serge Lemoine, ancien directeur du musée d'Orsay, nous présente selon un parcours chrono-thématique sans originalité les peintures et dessins de Corinth (c'est la première rétrospective du peintre en France).
Qu'on aime ou qu'on n'aime pas Corinth, on est dès l'entrée de l'exposition frappé par la médiocrité des très succinctes explications
(un seul texte mural par salle, entre 4 et 6 lignes). La vacuité du discours est telle (c'est aussi bien écrit que le Bénézit*) que je ne peux pas m'empêcher d'en citer un extrait représentatif (qui constitue d'ailleurs 2/3 du texte mural): "un même sujet a pu être prétexte à des solutions picturales différentes tout au long de son oeuvre". Tout est comme ça, jamais plus développé.
Le discours est malheureusement aussi peu clair que l'art de Corinth. Banals, ses sujets vont du portrait au paysage en passant par la scène de genre, la nature morte et quelques scènes religieuses torturées ou mythologiques criardes. Ni impressionniste ni expressionniste, mais plutôt (lourdement) inspiré de Rembrandt, de Snyders ou de Böcklin, Corinth peint avec un style empesé et laborieux dans des tonalités sourdes — rehaussées de couleurs stridentes.
Il m'est difficile d'écrire sur quelque chose que j'ai aussi peu aimé. Je m'arrête donc là, en déconseillant fortement la visite, et en espérant bientôt, entre le Louvre et Orsay, parcourir des expos qui trouvent un juste milieu!

[ ill: Samson aveugle, 1912 (h/t, Berlin)]
* Le Bénézit est un dictionnaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs, connu et utilisé pour la forme compacte de ses notices.

www.musee-orsay.fr