vendredi 23 mai 2008

Monumenta 2008: le minimalisme de Richard Serra

Radicalement différente du cataclysme d'Anselm Kiefer (Chute d'étoiles, Monumenta 2007), l'édition Monumenta de cette année invite sous la verrière du Grand Palais le sculpteur américain Richard Serra (né en 1939).
Avec Promenade, Serra opte pour l'épure la plus totale. Minimale, son oeuvre est constituée de 5 immenses plaques d'acier de 17 m de haut et 4m de large. Légèrement penchées ou décentrées, elles sont dressées selon l'axe longitudinal de la nef. Avec ces 5 plaques, Serra joue sur l'équilibre (les plaques ne semblent reposer que sur la tranche), la multitude des points de vue, le rapport à l'architecture et à l'espace, la surface du matériau...

Comme l'année dernière, Monumenta se veut pédagogique: des médiateurs et des audioguides gratuits sont à disposition. Un peu déçue par le discours des médiateurs de l'année dernière, j'ai cette année pris l'audioguide, très bien fait, qui permet d'en savoir plus sur Serra, son oeuvre, ses influences et ses rencontres.
Un peu déroutante au départ, Promenade devient progressivement une expérience zen qui permet de découvrir avec simplicité l'art de Richard Serra et de (re)découvrir, au calme, l'immense nef du Grand Palais.

N.B: Y aller à la tombée de la nuit, vers 21-22heures, quand les changements de couleurs du ciel et de lumière modifient en douceur la perception des oeuvres.

www.monumenta.com

mercredi 21 mai 2008

Marie Antoinette

Prenant mon courage à deux mains, j'ai décidé ce matin d'affronter l'événement Marie-Antoinette, blockbuster du moment au Grand Palais (jusqu'au 30 juin 2008).

Malgré l'heure matinale et mon exemption de file d'attente, je me suis retrouvée dès la première salle dans un bain de foule. Ma première crainte, celle du public féminin sexagénaire et très bavard, se vérifie et me conforte, dans les premières minutes, dans mon a priori très négatif de l'exposition. En effet, depuis le mois de mars, Paris est envahi par les affiches sucrées de Marie-Antoinette. Devant un tel battage on ne peut s'empêcher d'associer l'exposition à l'image Coppola de Marie-Antoinette, à la Disneylandisation croissante du château de Versailles — le Hameau de la Reine a été subtilement rebaptisé "Domaine de Marie-Antoinette" — ou à celle des expo du Grand Palais en général — l'exposition Walt Disney y avait-elle vraiment sa place? La reine, sans cesse réhabilitée, devient la "victime" de la Révolution, l'icône de la jeune femme libre sacrifiée etc. Marketing, people, commerce, kitsch, bref, je m'attendais au pire.

Avertis, les commissaires de l'exposition se prémunissent de toute attaque dès l'introduction. Ils évoquent les clichés associés à Marie-Antoinette ("frivole, dépensière, victime"), la littérature surabondante qui lui est consacrée, les films... Leur démarche est la suivante: "Cette exposition cherche à donner des réponses [à ces clichés] en révélant Marie-Antoinette dans toute la diversité de sa personnalité". Pour ce faire, l'exposition comporte 3 parties, suivant la vie de la reine: l'époque de l'éducation à la naissance des enfants, le temps des fastes versaillais, et la chute de la Révolution.

Dans une muséographie fastueuse, soignée et séduisante — les salles en enfilade évoquent les appartements de Schönbrunn ou Versailles — la première partie présente un ensemble de peintures (Bellotto, Liotard, Vigée le Brun [photo 1]), sculptures (Boizot, Lemoyne, Lecomte) et d'objets d'art (meubles Boulle, chinoiseries), le tout sur fond de musique Baroque. Très descriptif et généalogique ce premier acte comporte néanmoins quelques objets superbes, tel le coffre à bijoux en bois de rose et sycomore agrémenté de procelaine de Sèvres peinte, par Martin Carlin. La dernière salle "La Reine et son image" (la plus intéressante) aborde, trop succinctement malheureusement, la question du rapport entre la reine et les artistes officiels.
La deuxième partie, celle des fastes, est elle aussi particulièrement réussie sur le plan scénographique — les cimaises évoquent les coulisses d'un décor d'Opéra XVIIIe. De la même façon, le discours sur Marie-Antoinette et son rapport à l'art et aux artistes (puisqu'il s'agit ici de la comprendre, entre autres, en tant que mécène et collectionneuse) est souvent assez léger et peu original. La qualité des objets est en revanche au rendez-vous: le boudoir de Fontainebleau par Riesener [bureau, photo 2] et Jacob est impressionnant de virtuosité, de même que les fauteuils de J.B. Claude Sené, les orfèvreries de Feuchère...
L'exposition se termine par la période Révolutionnaire [photo 3], de la fuite à Varenne à l'échafaud, en passant par le séjour à la tour du Temple. Le silence et l'obscurité de la longue salle contrastent avec les fastes précédents.

Moins emphatique que ce que je redoutais, l'exposition Marie-Antoinette reste cependant très consensuelle. On n'apprend rien de très nouveau sur la reine, et on reste sur sa faim quant au contexte historique et esthétique, le rapport entre art et pouvoir etc — même si l'exposition se veut biographique elle présente en majorité des oeuvres d'art. Si je désapprouve le concept d'une exposition "Marie-Antoinette" (pour les raisons écrites dans le premier paragraphe), je ne la déconseille pas pour autant. Le souci muséographique, et surtout la présence de pièces maîtresses de l'art somptuaire au XVIIIe siècle méritent la visite.

http://www.rmn.fr/Marie-Antoinette

dimanche 18 mai 2008

Ma nuit des Musées

Hier soir comme chaque année depuis 1999 (l'initiative française n'est européenne que depuis 2005) la Nuit des Musées permettait de découvrir gratuitement et sous un angle nouveau plus d'un millier de musées en France.
À Paris, les musées de Zadkine et Rodin offraient des moments originaux et féériques, très loin de la vision traditionnelle de la sculpture.
Le musée Zadkine, musée de la ville de Paris installé dans l'ancienne maison-atelier de l'artiste, proposait dans son superbe petit jardin — les figures humaines de bronze s'inscrivent parfaitement dans la végétation très foisonnante — un duo de danseuses contemporaines et des récitations de poèmes. Les salles du musée était également ouvertes gratuitement, et les hautes fenêtres de l'atelier laissaient voir, au-delà des oeuvres, le jour tomber sur les sculptures du jardin.

Au musée Rodin, la visite nocturne des jardins à la lampe de poche (l'opération a déjà quelques années) offrait une expérience magique. Des petites lampes de poches distribuées gratuitement permettaient, dans le noir et la fraîcheur des jardins, de découvrir à son rythme les reliefs et les jeux de surface des bronzes de Rodin. Une musique berbère envoûtante provenant du centre du jardin attirait les visiteurs jusqu'à la projection sur grand écran du film d'un homme nu jouant de la flûte (Joueur de flûte, 1996, par Adel Adbessemed). Enfin, diverses télévisions silencieuses diffusaient des films de chats lapant du lait, complétant cette atmosphère sereine et insolite.

http://www.paris.fr/portail/Culture/Portal.lut?page_id=6471
www.musee-rodin.fr/

jeudi 15 mai 2008

Le romantisme de Marie d'Orléans

La petite exposition dossier du Musée du Louvre, Marie d'Orléans, 1813-1839. Princesse et artiste romantique (jusqu'au 21 juillet) ne comporte que 4 salles mais mérite amplement le détour.
Marie d'Orléans, fille du roi des Français Louis Philippe, est en effet l'une des rares artistes féminines de la première moitié du XIXe siècle. A la fois princesse, mécène, collectionneur et sculpteur, Marie entretient des liens avec les artistes romantiques parisiens: le peintre Ary Scheffer (il lui apprend le dessin et lui donne l'idée de la sculpture), l'orfèvre Wagner ou l'architecte Charpentier. Très cultivée, Marie développe un art néo-gothique d'une grande piété, féminin et littéraire — elle trouve son inspiration dans les écrits de Byron ou Edgar Quinet. Au Palais des Tuileries, elle aménage son appartement dans un style néogothique très étudié.
L'exposition présente des oeuvres de Marie d'Orléans (sculptures et dessins, dont les célèbres Jeanne d'Arc et Ange de la résignation) mais également des portraits de la princesse par Ary Scheffer, des objets lui ayant appartenu ou encore la clôture ajourée néogothique des Tuileries.

Présentant avec intelligence la vie et l'oeuvre de Marie d'Orléans dans son contexte historique et esthétique, l'exposition est aussi une petite réussite sur le plan muséographique. Les motifs gothiques et floraux des murs et panneaux explicatifs s'inscrivent parfaitement dans l'atmosphère romantique et légèrement kitsch de l'art de la princesse.

www.louvre.fr