mercredi 25 juin 2008

Tichy et Rouault : deux petites expositions du MNAM

Deux petites expositions incluses dans le parcours des collections sont présentées depuis quelques jours au Musée National d’Art Moderne – Centre Georges Pompidou : une rétrospective Miroslav Tichy (jusqu’au 22 septembre 2008), et un Hommage à Georges Rouault (1871-1958) L’effervescence des débuts (jusqu’au 13 octobre 2008). Simple et intéressant, à voir au cours de sa visite du MNAM.

Âgé de plus de 80 ans, Miroslva Tichy est un photographe tchèque né en Moravie en 1926. Totalement inconnu jusqu’en 1989 son travail n’est présenté dans le milieu muséal que depuis 2004 (avec la biennale de Séville). La rétrospective du MNAM est la première présentation des œuvres de l’artiste en France et regroupe une centaine de photographies.

Très simplement accrochée, l’exposition présente les photographies sans autre commentaire que des citations de l’artiste et un petit film.
« Pour moi la femme est un motif. La silhouette (debout, inclinée, assise), le mouvement (la marche) rien d’autre ne m’intéresse. L’érotisme n’est qu’un rêve, de toute façon. »
Le principal sujet de l’œuvre de Tichy est en effet la femme — si l’on excepte de rares paysages. Sensuelles et évanescentes, ses figures féminines anonymes et souvent floues ressemblent à des apparitions. Les photographies, prises parfois sans que Tichy ne regarde dans le viseur, sont développées par l’artiste de façon rudimentaire, ce qui l’amène à jouer ensuite avec les surexpositions, les erreurs de cadrage, les tâches ou les déchirures de ses images. Il les retouche enfin avec un trait ou deux de crayon avant de les monter sur de simples matériaux de récupération (journal, carton etc).

L’Hommage à Georges Rouault (à l’occasion du 50e anniversaire de sa mort), sous-titré l’effervescence des débuts invite à (re)découvrir les débuts du peintre, les années 1892-1915 environ. Ami des fauves Henri Matisse et Albert Marquet, dont il partage dans sa peinture la vigueur — voire la violence — des coups de pinceaux, Georges Rouault se singularise par sa couleur, le bleu. Souvent cernée d’un trait noir incisif, tantôt diluée tantôt fortement empâtée, toujours incertaine, comme « salie », sa couleur est à la fois mystique, onirique et violente. Si elle n’est pas sans rappeler les tons de Picasso dans sa « période bleue » (1901-1904), elle est utilisée pour des sujets aussi divers que des paysages animés (le Jardin de Versailles), des scènes de cirque, des moissonneurs ou encore des nus féminins. La variété des sujets va de pair avec une grande diversité du style, de la touche et de la ligne. Rappelant tour à tour Picasso (et les saltimbanques de sa période rose, 1904-1907), Matisse ou Braque dans ses nus à la géométrie légèrement cubiste ou aux lignes courbes, ou le primitivisme de Larionov et Goncharova dans le style et le thème des moissonneurs, Rouault apparaît dans ses premières années au cœur de l’effervescence des avant-gardes. Si son style semble encore mouvant, sa couleur crée l’unité et affirme son originalité.

jeudi 19 juin 2008

Figuration narrative

Surfant sur le quarantième anniversaire de Mai 68, le Grand Palais expose jusqu'au 13 juillet les artistes de la Figuration Narrative, Paris 1960-1972. Sans être un véritable mouvement, la Figuration Narrative regroupe à partir de 1964 (année de l'exposition Mythologies quotidiennes, organisée par les peintres Bernard Rancillac et Hervé Télémaque, et du critique Gérald Gassiot-Talabot et présentée au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris) les artistes français (ou venus en France) des années 60-70, contemporains des artistes Pop d'Outre Atlantique.

Dans un style coloré, souvent criard — voire d'un mauvais goût revendiqué — à la fois ludiques, oniriques et dénonciateurs, les artistes de la Figuration Narrative peignent en aplats avec de larges cernes des tableaux aux figures juxtaposées. Ils trouvent leur inspiration dans les personnages de dessins animés (Walt Disney par exemple) ou la publicité sous ses multiples formes (et la société de consommation en général). Ils s'intéressent également au cinéma et à la photographie, ou encore aux toiles des grands maîtres qu'ils détournent (la Maja Desnuda de Goya est renversée à 180 degrés, une Danaé acéphale est recouverte de fleurs, Picasso est revu et corrigé dans un Guernica en couleurs...) Enfin, les figures de Mao, Marx, Giscard ou Pompidou ne sont pas absentes des toiles politiquement engagées de Jacques Monory, Peter Klasen, Errò, Henri Cueco ou Gérard Fromanger.

En exposant sur des cimaises zigzagantes aux couleurs pop des artistes peu connus du grand public, l'exposition du Grand Palais permet de découvrir un aspect intéressant de la production française des années 1960-70, qui rappelle que ces années ne sont pas seulement celles du recyclage des Nouveaux Réalistes, des monochromes de Klein ou des minimalistes lignes, cercles et points des jeunes contestataires BMPT.

www.rmn.fr/Figuration-narrative.

[1] Hervé Télémaque, Banania n°3, 1964, huile sur toile, Collection particulière, France.
[2] Jacques Monory, Velvet Jungle, n°13, huile sur toile, MAM ville de Paris
[3] Henri Cueco, Marx, Freud, Mao, huile sur toile, 1969, MAM ville de Paris