dimanche 21 décembre 2008

Masques

Commissaire: Edouard Papet, conservateur en chef au musée d'Orsay
Exposition au Musée d'Orsay, salles 68, 69, 70,
du 21 octobre 2008 - 1er février 2009
Darmstadt, Institut Mathildenhöde, 8 mars - 7 juin 2009
Copenhague, Ny Carlsberg Glyptotek, été 2009














Louis-Emile Durandelle (1839-1917),
Masques du vestib
ule du contrôle de l'Opéra,
1875,
épreuve sur papier albuminé à partir d'un négatif verre,
27,8 x 38,2 cm
Paris, musée d'Orsay
Don de M. Alain Paviot, par l'intermédiaire de la Société des Amis du musée d'Orsay, 1994
Photo : musée d'Orsay, dist. RMN / Patrice Schmidt

C'est avec enthousiasme que je me lance dans cette petite chronique, car cette exposition me semble exemplaire, par le choix des œuvres, la rédaction des textes, et la muséographie.

La présentation se fait thématiquement mais avec un ancrage chronologique. La première salle propose une définition du masque, ce qui semblait en effet indispensable. Puis, plusieurs sections déclinent les différentes formes de production et d'exploitation du masque : théâtral, de mascarade, funéraire, de Méduse, décoratif, symbolique, ou encore ouvrant sur la modernité. Ainsi, malgré l'excellence de l'exposition, rien ne semble plus mal adapté que son sous-titre, "de Carpeaux à Picasso" puisque l'exposition propose une vision du sujet de l'Antiquité au début du XXe siècle, en passant par le japonisme.

La muséographie, très théâtrale, se prête bien au sujet. Les cimaises rouge sombre, qui évoquent l'univers du spectacle, se marient aux socles métallisés. Les éclairages font surgir les visages de la pénombre de manière spectaculaire, comme l'impressionnant
Bouclier avec le visage de Méduse de Böcklin, chef-d'œuvre acquis récemment par le musée. L'accrochage à hauteur variable dynamise la présentation et rompt la monotonie qui aurait pu naître de l'unicité de la thématique. De courts cartels explicatifs, placés à proximité des œuvres, complètent les cartels descriptifs par quelques informations concises et essentielles sans tomber dans l'iconographie à rallonge. Quant aux textes qui introduisent les sections, ils utilisent un phrasé simple mais sans simplification excessive du propos, toujours concis et éloquents par l'allusion constante aux oeuvres présentées.


Arnold Böcklin (1827-1901),
Bouclier avec le visage de Méduse,
1897,
H : 61 cm, papier mâché,
Paris, musée d'Orsay
photo : RMN / Hervé Lewandowski


Enfin, les œuvres sont particulièrement bien choisies. L'exposition convoque dessins, peintures, objets d'art et photographies pour enrichir un propos qui s'appuie sur la sculpture. Il est difficile d'énumérer ici tous les artistes majeurs représentés - Carpeaux, Carriès, Rodin, Böcklin, Nolde - mais il faut souligner que la présentation ne s'y cantonne pas. Des noms un peu moins célèbres nourrissent une réflexion clairement exposée. Quelques prêts prestigieux rendent cette exposition incontournable : la Nouvelle Salomé de Max Klinger venue de Dresde ou le Masque ailé de Fernand Khnopff conservé à Hambourg. Enfin, la partie moderne s'intègre en douceur au parcours ce qui rend explicite la permanence du thème malgré la distance du traitement.


Pablo Gargallo (1881-1934)
Jeune homme aux cheveux frisés,
1911
photo : www.masdearte.com



Cette exposition est un pur plaisir, courez la voir!!!


Lien vers la présentation du site du musée d'Orsay

lundi 15 décembre 2008

Picasso déjeune sur l'herbe au musée d'Orsay

Les deux petites expositions "Picasso / un maître" de part et d'autre de la Seine (au musée du Louvre - voir ici - et au musée d'Orsay) sont aussi différentes que les peintres auxquels Picasso est confronté.
Ainsi, après la chaleur et la sensualité de Delacroix et la série d'après les Femmes d'Alger, Picasso entreprend, entre 1954 et 1962, une relecture du mythique Déjeuner sur l'herbe de Manet.

Scandale de la peinture au Salon de 1863, Le Déjeuner sur l'herbe déstabilise et horrifie le public bien pensant de la société bourgeoise du Second Empire en présentant au public une femme nue, assise au entre deux hommes habillés, pour un pique-nique dans un sous-bois, sans prétexte mythologique ni narration. La femme nue, représentée sans complaisance, regarde avec aplomb le spectateur, les deux hommes discutent avec elle dans une nature factice aux airs de décor de théâtre. Devant eux une nature morte est juxtaposée à la scène. Manet revisite les catégories académiques de la peinture, les juxtapose, les parodie, les allège du carcan dans lequel elles étouffent à la fin du XIXe siècle.

Picasso se trouve face à Manet dans une situation complexe. "Revisiter" Le Déjeuner sur l'herbe est très différent d'un travail à partir des traditionnels Rembrandt, Vélasquez, Ingres ou Delacroix: Manet est à la fois un maître et celui qui les a rejeté.

A travers la quarantaine de tableaux, dessins, gravures et maquettes réalisés entre 1954 et 1962, on perçoit le questionnement incessant de Picasso à propos de ce Déjeuner. Tantôt grave, tantôt ludique ou ironique, tour à tour fouillé, sombre et cerné de noir puis clair, épuré et lumineux, Picasso essaie tous les registres possibles, décompose, épluche, observe, change les couleurs, les médiums, les formats... pour comprendre et s'approprier l'oeuvre de Manet.
Moins spontané - il me semble - qu'en face des Femmes d'Alger de Delacroix, les différents Déjeuner sur l'herbe m'ont donné l'impression d'un travail lent (laborieux?), pour des oeuvres auxquelles il manquerait presque quelque chose. Impression étrange, renforcée par l'omniprésence de la couleur verte, tout à fait inhabituelle dans l'oeuvre de Picasso.

C'est par conséquent lorsqu'il s'éloigne le plus de l'oeuvre originale, mais sans en perdre l'idée, que Picasso retrouve sa verve et sa créativité. Il crée ainsi en carton, entre le 26 et le 31 août 1962, une série de maquettes des personnages pour des sculptures en plein air (un exemple ci-dessus à droite). Cet ensemble de maquettes est absolument génial, et Picasso, me semble-t-il, donne à voir l'essence de ce Déjeuner sur l'herbe, avec ses figures franches juxtaposées sur un fond de plein air.

Petit post-scriptum muséographique: les arbres verts et marrons stylisés peints sur les murs, sont à oublier, ils m'ont donné plus l'impression d'être dans une école maternelle que dans une exposition de musée!

Photos:
[1] Pablo Picasso (1881-1973) Le déjeuner sur l'herbe d'après Manet27 février 1960 Huile sur toileLondres, Nahmad Gallery© Succession Picasso, 2008
[2] Edouard Manet Le déjeuner sur l'herbe 1863 Huile sur toile H. 208 ; L. 264,5 cm Paris, musée d'Orsay donation Etienne Moreau-Nélaton, 1906 © RMN, Hervé Lewandowski
[3]
Pablo Picasso (1881-1973) Le déjeuner sur l'herbe : femme assise, 26 août 1962 1962 Carton découpé, mine de plombH. 31,3 ; L. 25 ; Pr. 21,5 cm Paris, musée Picasso© Succession Picasso 2008 - Photo RMN / Béatrice Hatala
[4] Pablo Picasso (1881-1973) Le déjeuner sur l'herbe d'après Manet, 17 juin 1962 1962 Mine de plomb, pastel H. 42,5 ; L. 52 cm Paris, musée Picasso© Succession Picasso 2008 - Photo RMN / DR

Lien vers le site du musée: cliquer ici

dimanche 14 décembre 2008

De Mirò à Warhol: La Collection BERARDO à Paris

D'habitude je boycotte les expositions du Musée du Luxembourg. La dernière que j'étais allée voir était La Collection Philipps il y a plus de deux ans. Les organisateurs semblent d'ailleurs privilégier deux thèmes pour leurs expositions dans les galeries du Sénat: la présentation de collections privées (les collections du Dr Rau, Philipps, Berardo etc) et les monographies de très grands artistes (Raphaël, Véronèse, Titien, Arcimboldo, Vlaminck). Mais voilà, au Luxembourg, ce sont toujours les mêmes problèmes: l'entrée coûte excessivement cher (le tarif étudiant est à 10€), les expositions sont très petites (il y a 5 salles, et c'est toujours le même parcours), les cartels sont minimalistes et les textes aux murs ne font qu'évoquer en 4 lignes ce dont il est question dans la salle où l'on pénètre.

J'avais décidé de ne plus jamais aller à ce genre d'exposition mais voilà, j'ai reçu une invitation pour visite avec conférencier, petit déjeuner etc, je ne pouvais raisonnablement pas refuser. De plus, je préfère la présentation de collections privées aux monographies tapageuses et souvent ratées. Je trouve intéressant de connaître et comprendre, "en plus" des oeuvres, ceux qui les ont acquises. Les expositions Rau, Philipps ou Vollard (au musée d'Orsay en 2008), que j'avais toutes trois appréciées, sont de celles qui permettent de découvrir la personnalité d'un amateur d'art, ses inclinations, l'histoire de sa collection et sa place dans l'histoire plus générale du goût, du collectionnisme et/ou du mécénat.

La collection Berardo est celle d'un homme d'affaire portugais qui, né en 1944, a fait fortune en Afrique du Sud en exploitant des domaines phares au XXe siècle: l'or, le commerce du vin, la banque et les télécommunications. Amateur d'art mais se jugeant lui-même trop peu habile à l'acquisition des oeuvres, il chargea plusieurs personnes au cours des années 1990 de lui constituer une très riche collection d'art moderne et contemporain (plus de 800 oeuvres).
L'exposition du Luxembourg, orchestrée par André Cariou (conservateur au Musée des Beaux Arts de Quimper) propose un échantillon - et par conséquent une vision très subjective - de cette collection à travers environ 80 oeuvres. Vision d'autant plus subjective qu'elle bannit quasiment l'art contemporain et se concentre sur la période moderne. Le fait que le public du Luxembourg soit en très grande majorité constitué de personnes âgées aisées et plutôt traditionnalistes n'y est certainement pas pour rien.
De très belle qualité, les œuvres exposées permettent, selon l'accrochage, d'illustrer avec pertinence quelques grands mouvements de l'histoire de l'art du XXe siècle. La part belle est faite au Surréalisme (Magritte, Masson, Dalì, Mirò, Arp), au Pop Art & Nouveau Réalisme (Warhol, Tingely, Mimmo Rotella, Klein, Villeglé), aux abstraits lyriques (Joan Mitchell, Riopelle, Helena Vieira Da Silva) ainsi qu'aux abstraits géométriques (Hélion, Mondrian, le Bauhaus et De Stijl).
D'un point de vue esthétique l'exposition est assez réussie, la qualité des œuvres est au rendez-vous et il est assez fascinant d'imaginer la très récente constitution de cet ensemble qui a moins de dix ans. Cependant une impression très froide se dégage de ce regroupement. Il est vrai que les surréalistes et les abstraits géométriques privilégient rarement les couleurs chaudes, mais il est frappant de constater que la quasi totalité des oeuvres présentées est dans les tons bleu, vert et gris (un immense Warhol bleu, un IKB, un Joan Mitchell bleu, un Hélion très froid, un Pollock "chamaniste" bleu également...).
D'un point de vue muséographique et pédagogique c'est la déception habituelle.

Une exposition très chère, très courte, sans explication, très subjective par rapport à la collection qu'elle souhaite représenter. Comme me disait une petite grand-mère très charmante à l'accent toulousain: "Vous savez, moi je suis venue pour les peintures!" Encore faut-il avoir les moyens...

Photographies:
[1] Tom Wesselmann Great American Nude #52, 1963 © Adagp Paris 2008
[2] Andy Warhol Ten-foot Flowers, 1967 © Adagp Paris 2008
[3] René Magritte Le Gouffre argenté, 1926 © Adagp Paris 2008

Jusqu'au 22 février 2009.
Lien: http://www.museeduluxembourg.fr/

mardi 2 décembre 2008

Saint Nicolas

Quand on aime l'histoire de l'art, fréquenter et connaître les musées est primordial, mais il est bon de ne pas négliger les galeries non plus... (une partie des acquisitions de musées en proviennent...)
Osez donc pousser la porte des galeries du Carré Rive Gauche le samedi 6 décembre au soir, entre 16h et 22h, à l'occasion de la traditionnelle nocturne de la Saint Nicolas.
Depuis l'Antiquité jusqu'à l'art contemporain en passant par le mobilier rocaille, la peinture symboliste ou les dessins anciens, différents univers sont à découvrir sur le quai Voltaire et dans les rues voisines de Beaune, Verneuil, Lille, l'Université, les Saints Pères...

Pour tout connaître des galeries du Carré : http://www.carrerivegauche.com/accueil/