mardi 13 octobre 2009

La subversion des images - visions surréalistes

Je suis allée il y a quelques jours déjà au Centre George Pompidou visiter l'exposition "La subversion des images" et je pense que je vais retourner y faire un tour avant sa fermeture le 11 janvier 2010, tellement j'ai aimé m'y promener!

"La subversion des images" présente une vaste sélection des plus belles épreuves des photographes surréalistes Man Ray, Hans Bellmer, Claude Cahun, Raoul Ubac, Jacques-André Boiffard, Maurice Tabard, Brassaï etc. L'exposition révèle aussi des corpus méconnus de collages d'artistes renommés comme Paul Eluard, André Breton, Antonin Artaud ou Georges Hugnet, des jeux photographiques de Léo Malet ou Victor Brauner. Enfin, des personnalités moins connues comme celles d'Artür Harfaux ou Benjamin Fondane sont mises en lumière.

L'exposition s'organise selon un angle thématique qui explore en 9 salles les multiples façons avec lesquelles les artistes surréalistes explorent les possibilités techniques et esthétiques de la photographie, des photomatons ou portraits, aux images mises en scènes, retouchées, découpées, collées, déformées, colorées etc. Une petite série de films et de courts-métrages réalisés par des artistes surréalistes (souvent aussi photographes), comme Luís Buñuel, Man Ray ou Germaine Dulac, complète le discours sur la subverson de la réalité.
Nous sont révélés à la fois l'incroyable créativité des artistes surréalistes, leur humour, leur plaisir de jouer avec les images, et les nombreux usages de ces épreuves : publications dans les revues ou les livres d'artistes, publicités, collections d'images, fascination pour le document brut, photomatons, photographies de groupe.

Bien qu'elle ne présente que des oeuvres en noir et blanc (parfois certains collages sont rehaussés de couleur mais l'univers photographique du début du XXe est en noir et blanc), l'exposition réussit à ne jamais fatiguer le regard du visiteur. D'une part, les oeuvres les plus petites sont accrochées au début du parcours, l'accrochage s'éclaircit au fil de la visite. D'autre part, la scénographie très sobre — un simple fil rouge horizontal orne les cimaises simplement blanches — serre magnifiquement les œuvres.

Les photos sont chacunes des petits univers délirants, inventifs, déroutants, drôles, poétiques, oniriques... La fièvre créatrice des avants-gardes est palpable. L'envie de jouer avec les images et le second degré permanent créent un enthousiasme communicatif. On sort avec l'envie de regarder le monde autrement, de le réinventer avec notre colle et nos ciseaux.

Jusqu'au 11 janvier 2010
Infos ici

1- Brassaï, Magique-circonstancielle / 1931 / Photographie publiée dans Minotaure, n°5, 1934 / Grand format / ©Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, Paris
2- Man Ray, Le Violon d'Ingres, 1924 Epreuve gélatino-argentique montée sur papier/ 31 x 24,7 cm (hors marge : 28,2 x 22,5 cm)/ © Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, Paris
3- Dora Maar, Pierre Kefer, Étude publicitaire pour Pétrole Hahn, vers 1934/ Négatif gélatino-argentique original sur plaque de verre, 9 x 13 cm/ Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, Paris

jeudi 1 octobre 2009

Design à la cour

Profitez-donc du week-end prochain pour vous rendre à Fontainebleau visiter l'exposition "Design à la cour" avant qu'elle ne ferme ses portes lundi 5 octobre.

L'exposition propose aux visiteurs, pour la première fois, un aperçu des "magasins" situés dans les combles du château de Fontainebleau, autrement dit le stock d'objets d'usage courant destinés à "l'hôtellerie" du château (les chambres de service et appartements de suite destinés à l'accueil des cours impériales et royales entre 1804-1870).

Par ailleurs, l'exposition organise une rencontre avec les collections du Centre national des arts plastiques (Cnap), institution qui a pour vocation d'acquérir la fine fleur du design contemporain et de la mettre à disposition des musées qui en font la demande tant en France qu'à l'étranger.

Sont ainsi confrontées selon les pièces du château et les thématiques qui leur sont rattachées (vestibule, galerie François Ie, salle de bal salon des aides de camps etc.) les objets décoratifs du XIXe siècle, de la fin du XXe et des premières années du XXIe siècle: chaises, luminaires, vases, tables, lavabo, baignoires...

Les objets contemporains s'intègrent étonnamment bien au cadre de marbre et de boiseries dorées, très chargé, du château, qu'il rafraîchissent avec bonheur. Les chaises empilées, les armoires ouvertes sur les collections de porcelaines de Sèvre (napoléoniennes ou de 2009), donnent l'impression qu'on a rouvert les fenêtres d'un château un peu endormi et poussiéreux, qu'on a aéré les placards et qu'on a introduit la couleur, le neuf au sens positif, gai et dynamique du terme.

Claire, simple, thématique, cette exposition est l'occasion idéale de découvrir ou redécouvrir Fontainebleau et de s'intéresser au design, dont les prémices s'instaurent justement au XIXe siècle, lorsque l'on commence, grâce aux nouvelles techniques industrielles, la production en série d'objets fonctionnels et esthétiques.

Jusqu'au lundi 5 octobre 2009.
Informations complémentaires sur le site du Cnap ou sur le site du château de Fontainebleau.

Illustrations:
1-
Flambeaux et bougeoirs en bronze argenté, époque Premier Empire. © Sophie LLOYD, château de Fontainebleau & Chris Kabel - Flames, 2003 - Centre national des arts plastiques – © photo : CNAP/Y.Chenot, Paris
2-Escalier saint Louis avec lampe de Achille Castiglioni, Bey Jurgen, Graumans Rody, Grcic Konstantin, Maurer Ingo © musée et domaine nationaux de Fontainebleau
3-Alessandro Mandini, Fauteuils Soft Big Easy, 1987-2001 © musée et domaine nationaux de Fontainebleau


mardi 29 septembre 2009

Regarder Renoir

L'exposition Renoir au XXe siècle qui s'est ouverte depuis quelques jours au Grand Palais suscite des critiques très diverses. Je n'apprécie pas toutes les oeuvres de Renoir, loin de là. Cependant, l'intérêt et le plaisir que j'ai éprouvés au cours de ma visite de l'exposition, ainsi que mon désaccord avec le commentaire dépréciatif de Lunettes Rouges m'ont donnés envie d'écrire en quelques lignes les raisons pour lesquelles il faut, selon moi, faire un tour à "Renoir au XXe siècle".

L'exposition présente l'oeuvre de la fin de vie de Pierre-Auguste Renoir, c'est-à-dire sa production peinte, dessinée et sculptée — l'accent est mis sur la peinture — des années 1890 à 1919, année de la mort du peintre.

Tout le monde connaît Renoir, le peintre impressionniste des années 1875-1880, l'auteur du Bal au Moulin de la Galette (1876, Paris, Orsay) ou du Déjeuner des canotiers (1881, Washington, National Gallery). Mais on oublie souvent qu'il produisit jusqu'en 1919, c'est-à-dire qu'il fut contemporain des "avants-gardes": le fauvisme, le cubisme, le futurisme, la naissance de l'abstraction et Dada.

Certes, certains lui reprochent, Renoir n'est pas un "moderne". Il ne se convertit ni au fauvisme, ni au cubisme, et il ne semble même pas en subir l'influence. Il continue ses recherches picturales, il poursuit dans la logique de son oeuvre — quoi de plus naturel? —, il hésite encore. Il revient aux "classiques", regarde Boucher et l'art du XVIIIe siècle dans ses nus à la toilette aux carnations nacrées, il se tourne vers l'orientalisme rêvé d'Ingres, ou vers celui plus flamboyant de Delacroix dans ses Odalisques ou ses danseuses orientales, il revendique un art intemporel et décoratif. À l'instar de ses maitres classiques, Renoir prend les femmes pour modèle. Il aime leurs chairs nuageuses, leurs corps ronds et accueillants, leurs chevelures épaisses. Sensuelles sans être sexuelles, elles sont peintes à l'aide d'une touche vaporeuse comme une poudre de pastel.

Des oeuvres de ses contemporains: Bonnard, Picasso, Matisse, émaillent le parcours. Elles ne sont pas là, comme l'ont vu certains, pour montrer en vain que Renoir "annonce" ou "préfigure" quoique ce soit — je trouve en outre l'idée de l'artiste "annonciateur" inepte. Elles sont au contraire des contrepoints pour situer le peintre. Les confrontations permettent de comprendre les éléments de la peinture de Renoir dont les jeunes peintres du XXe siècle se nourrissent, les thématiques qu'ils partagent, et surtout la marginalité de Renoir par rapport à cette jeune génération des Picasso et Matisse. A ceux qui reprochent à Renoir de ne pas être de son temps, je répondrais par exemple que ces derniers, Matisse et Picasso, deviendront aussi des "classiques", comme Renoir, à la fin de leur vie. Et personne ne s'étonne aujourd'hui que Picasso, mort en 1973, ne se soit jamais confronté au monochrome, au néon, ou à la vidéo.

Renoir n'est pas moderne, mais dire que Renoir n'appartient pas au XXe siècle est une erreur. Au contraire, c'est le XXe siècle qui lui apporte la reconnaissance publique, institutionnelle et commerciale.
L'exposition "Renoir au XXe siècle" permet donc de comprendre en quoi la richesse du début du XXe siècle réside dans la diversité des styles, des manières, des personnalités des artistes. Elle permet aussi de découvrir des chefs-d'oeuvre de la peinture, comme La colerette rouge ou Jeune espagnole à la guitare (illustrations): la composition, la couleur, la lumière, la matière, tout y est virtuose.

Jusqu'au 4 janvier 2010.

Illustrations
1- Fille à la collerette rouge, Pierre-Auguste Renoir, 1896 -Huile sur toile, 41,3 x 33,3 cm
© Philadelphia Museum of Art
2- Jeune Espagnole avec une guitare, 1898, The National Gallery of Art, Washington© The National Gallery of Art, Washington

samedi 13 juin 2009

Premiers retables

Prise par le temps, je ne peux écrire que quelques lignes rapides à propos de Premiers retables (XIIe siècle-début du XVe siècle), Une mise en scène du sacré, l'exposition - dossier au musée du Louvre.
Néanmoins, cette exposition est, je crois, mon coup de coeur de l'année. Je n'y étais entrée que pour y passer, par curiosité, et je me suis laissée prendre par la simplicité et la beauté des oeuvres présentées. L'accrochage et le déroulement de l'exposition sont clairs, précis et le propos intelligent, une réussite!
Des frontaux retables romans en pierre polychromes (dans le Nord de la France) ou en bois peints (en Catalogne ou dans le Sud Est de la France) aux mises en scènes complexes et pathétiques du gothique tardif, notre oeil assiste à l'évolution du retable, image du sacré par excellence. Certaines sculptures sont incroyables. Pour ne citer que lui, Le Martyre de Saint Hyppolite, du XIIIe siècle, est pur et élégant mais témoigne aussi d'un naturalisme inattendu et émouvant.
Je ne suis quasiment jamais déçue par les expositions-dossier du musée du Louvre, et Les premiers retables ne dérogent pas à la règles. Loin des tape à l'oeil expositions dont les titres foisonnent de termes dithyrambiques et trompeurs (tout n'y est qu' "or", "Roi", "trésors" etc.) les expositions-dossiers permettent de lier délectation et découverte, selon une vraie problématique. En exposant au sein du musée ces "fragments d'histoire de l'art" elles nous invitent à nous arrêter dessus, les observer et les comprendre, mais également à revoir d'un oeil enrichi les oeuvres des collections permanentes. En un mot, le propos n'est pas gratuit.

Selon moi, il s'agit donc d'une exposition à ne pas manquer (quitte à paraître louvro-centrée!).

Du 10-04-2009 au 06-07-2009 Lien ici
Photographies:
[1] Retable dit de Carrières, Annonciation, île de France, milieu XIIe siècle, Pierre polychrome, Musée du Louvre© Musée du Louvre / Pierre Philibert
[2] Martyre de Saint Hyppolite, XIIIe siècle, pierre Musée de Louvre,© Musée du Louvre / Pierre Philibert

dimanche 31 mai 2009

Or et pouvoir

L'or et la dévotion ont le vent en poupe on dirait! Après les primitifs italiens du musée Jacquemart André le mois dernier, j'ai visité Le Mont Athos et l'Empire byzantin, Trésors de la Sainte montagne au Musée du Petit Palais.
L'exposition dont le titre est séduisant m'a cependant laissée sur ma faim. Organisée selon un plan chrono-thématique — souvent assez difficile à mener — l'exposition présente des objets magnifiques au gré d'une muséographie aux couleurs plaisantes mais selon des sections qui m'ont laissée perplexe. On repère trois parties précédées d'une introduction.
L'introduction présente brièvement le Mont Athos. Le géant mythologique Athos, écrasé par un rocher lancé par Poséidon au cours du combat avec les Dieux, est à l'origine du nom de la péninsule grecque où la Vierge aurait séjourné et sur laquelle s'implanta à partir du IXe siècle une vingtaine de monastères chrétiens. En effet, la crise iconoclaste qui sévit à Byzance entre 730 et 843 contre les images du culte incita les iconodules à s'établir dans des terres plus reculées. Soutenus par les empereurs byzantins depuis Théodora et jusqu'à la chute de Constantinople en 1453, les moines athoniens jouirent de privilèges qui expliquent la richesse de leurs icônes et de leur mobilier somptuaire.
De la dynastie macédonienne à celle des Paléologues, l'exposition nous explique en premier lieu comment l'art monachique et le pouvoir impérial étaient intimement liés, la richesse de l'un constituant la mise en scène de l'autre. Sont exposés des manuscrits (gérontikon et tétraévangiles) sublimes et très minutieusement ornés, des chrysobulles, des icônes et des psautiers qui témoignent du puissant "mécénat" impérial.
La seconde section, intitulée "L'art Byzantin au Mont Athos" laisse perplexe. Elle présente quasiment exactement les mêmes objets que la section précédente mais le discours diffère légèrement. Là encore, les épais petits psautiers aux écritures minuscules, les plats de reliures en argent doré et émail, rouleaux liturgiques et autres revêtements de codex en métal précieux sont superbes, mais on reste sur sa faim quant aux commentaires. Quid de l'usage de ces objets dans le contexte monachique? Des ateliers de productions ou des techniques de créations par exemple?
Une dernière partie, plus originale, traite de l'art "post-byzantin au Mont Athos", c'est-à-dire après la chute de Constinople et à l'heure de la domination ottomane. Il est amusant d'observer, malgré la très grande permanence des formes qui caractérise l'art byzantin, le léger souffle maniériste dans les icônes du XVIe siècle, ou la mince influence des art de l'islam dans certains portraits du XVIIe siècle. Preuve que la réclusion monachique n'est pas toujours synonyme d'imperméabilité stylistique.

Relativement courte pour une exposition du Petit Palais, ce n'est pas un mal, Le Mont Athos et l'empire Byzantin aurait peut-être pu approfondir un peu plus la question du rapport entre l'art et les spécificités du monastère byzantin, fouiller un peu plus la chronologie (quelles différences politiques et quelles conséquences sur l'art, entre la dynastie des Macédoniens et celle des Paléologues?) ou les techniques d'orfèvrerie ou d'enluminure pour éviter la section centrale un peu "fourre-tout".

Du 10 avril au 5 juillet 2009
renseignements pratiques ici

Illustrations:
[1] Archange, éléments de Grande Déisis, (c) Monastère de Vatopédi
[2] Calice, dit "Jaspe" - (c) Monastère de Vatopédi
[3] Déisis, saint Georges et saint Paul Xéropotaminos (c) Monastère de Saint-Paul

mercredi 8 avril 2009

L'art somptueux de la dévotion: "De Sienne à Florence"

Des oeuvres de très grande qualité, riches et raffinées... voilà bien le credo du Musée Jacquemart-André qui, ce printemps, rivalise avec les Lippi du Luxembourg (que je ne suis pas- encore?- allée voir) en présentant "De Sienne à Florence... Les Primitifs Italiens de la Collection d'Altenbourg".

La collection de Primitifs Italiens du musée d'Altenbourg, constituée au début du XIXe siècle par le baron, homme politique et amateur d’art allemand Bernard von Lindenau (1779-1854), ouvrit ses portes au public en 1848 dans la ville natale du collectionneur. Ce dernier souhaitait en effet favoriser l’accès du plus grand nombre à la culture « pour l’éducation de la jeunesse et le plaisir des anciens ». Tombée dans l'oubli sous le régime communiste, cette collection fut redécouverte après la réunification allemande.

"De Sienne à Florence" est l'occasion de s'immerger un temps dans la précieuse production picturale toscane du XIIIe au XVe siècles. Le parcours, comme l'indique le titre de l'exposition, nous fait voyager de la gothique Sienne à son éternelle rivale, Florence, où naquit la Renaissance. De Lippo Memmi à Lorenzo
Monaco, on ne cesse de s'émerveiller devant l'habileté et la subtilité du travail de ces premiers maîtres. Peintes avec patience et virtuosité, leurs images sont des microcosmes où l'oeil se perd. Notre regard parcourt les oeuvres sans se lasser des détails, de la richesse des couleurs (les drapés et les carnations sont les lieux de modulations infinies), de l'expression de ferveur et de sérénité des Vierges à l'enfant.
Fortement marquées par l'influence byzantine de la dynastie contemporaine des Comnènes, les premières oeuvres siennoises sont proches des icônes à fond d'or. Elles sont empreintes d'un fort pathos, souligné par le vigoureux cerne qui dessine les figures et objets (Guido de Siena, panneaux de prédelle vers 1270). Des années 1350 à la fin du XIVe siècle, les Siennois affirment leur gothique international, riche et minutieux. Légers et sinueux, leurs personnages sont vêtus de drapés colorés chatoyants (vert tendre, roses, ou lapis-lazuli) qui se découpent sur des fonds d'or.
Rivales politiques, Siennes et Florence sont aussi en concurrence esthétique. Sienne perfectionne le gothique international pour rivaliser avec les prémices de la Renaissance florentine. Malgré cela des échanges ont lieu et les recherches contemporaines des Florentins transpercent dans l'art précis et chatoyant de Sano di Pietro ou Pierto di Giovanni d'Ambrogio - formé chez Sasseta. Ils introduisent dans leurs oeuvres des éléments perspectifs et les corps de leurs personnages gagnent en ampleur.
C'est finalement Florence, représentée à partir du XIVe siècle par Giotto, Nardo di Cione ou Bernardino Daddi, qui domine sa rivale. Sienne est définitivement mise à l'écart à l'issue de la victoire à San Romano en 1432. Puissance politique et militaire, riche du commerce des banques, Florence et ses mécènes permettent à l'art religieux un épanouissement exceptionnel. Représentant de la "manière colorée" Fra Angelico est exposé à travers deux superbes panneaux: un miracle de la jambe noire et une "Preuve par le feu de Saint François devant le sultan".

Grâce à un accrochage clair, on comprend aisément les différences et liens entre les deux foyers artistiques successifs. Cependant, la qualité des oeuvres ne fait pas tout, et si ces dernières témoignent de la richesse de leurs commanditaires, l'exposition est avare en explications! Les textes muraux sont très succints et les cartels réduits au minimum. Par exemple, parmi les œuvres venues d’Altenbourg, certaines proviennent de polyptyques aujourd’hui dispersés. L’exposition se veut l’occasion d'en reconstituer certains grâce aux prêts de grands musées français, allemands, anglais et italiens. Malheureusement, aucun cartel allongé ou "panneau pédagogique" n'explique la disposition des éléments composant lesdits polyptyques, et l'accrochage ne la suggère pas non plus.
Y aller, pour le plaisir des yeux avant tout.


Jusqu'au 21 juin 2009. Ouvert tous les jours. site ici

Illustrations:
[1] Lippo Memmi, Sainte Marie Madeleine, panneau du polyptyque pour l’église San Palo à Ripa d’Arno, 1290-1347, Musée du Petit Palais, Avignon © René-Gabriel Ojéda
[2] Guido Da Siena, L'adoration des Mages, panneau de prédelle pour l’abbaye d’Ardenga à Montalcino, vers 1270-1280, Musée Lindenau, Altenbourg © Bernd Sinterhauf, Lindenau Museum, Altenburg, 2008
[3] Fra Angelico, La preuve par le feu de Saint François devant le Sultan, (1429)
© Bernd Sinterhauf, Lindenau Museum, Altenburg, 2008

samedi 28 mars 2009

Voyage dans l'imaginaire de l'Arioste au Louvre

Quand on pense à l'art classique, à la sculpture, aux arts graphiques et à la peinture en particulier, on oublie souvent qu'il existe une autre source d'inspiration pour les artistes que la religion ou la mythologie, le paysage ou la nature morte, le portrait ou la scène de genre... il s'agit bien entendu la littérature et la poésie!
Pourtant, depuis les romans courtois du Moyen-Âge, les écrivains et poètes - Dante, l'Arioste, Shakespeare - fournissent à travers leurs écrits un large répertoire iconographique. Ils sont le point de départ à des images peut-être moins conventionnelles, plus romanesques ou sentimentales, plus fantastiques ou oniriques, dans lesquelles l'artiste peut aisément projeter son propre imaginaire.

Ludovico Ariosto dit l'Arioste (1474 - 1533), dont on lit souvent le nom sur les cartels des musées, était un écrivain et homme de cour au service des princes d’Este, à Ferrare. Il y publia en 1516 la première édition du Roland furieux, un long poème chevaleresque (près de 40 000 vers) inspiré de la mythologie païenne, des romans médiévaux et des contes et légendes de l'Italie de la Renaissance humaniste. Son univers, exubérant, érudit et précieux, nourri de références, est peuplé de combats, de chevaliers, de forêts incroyables et d'héroïnes à délivrer. Dès sa parution, le poème fut un immense succès et il ne cessa de nourrir, durant quatre siècles, la créativité des peintres, sculpteurs, écrivains, de l'Opéra et du théâtre.

Peut-être un peu érudite, cette petite exposition "L'imaginaire de l'Arioste" ne comporte cependant que deux salles "L'imaginaire de l'Arioste" et "L'Arioste imaginé" et nous montre de Pisanello à Ingres, en passant par Nicolò dell'Abate, Fragonard, Duseigneur ou Gustave Moreau, les artistes italiens et français qui se sont inspirés et appropriés l'Univers du Roland Furieux. Les dessins renaissants, foisonnants de détails, sont de petites merveilles. À voir donc, s'il on se promène au Louvre dans l'aile Denon, plutôt que les médiatiques et sans intérêt "Funérailles de Mona Lisa", c'est mon avis.

Jusqu'au 18/05/2009, Musée du Louvre, aile Denon, tarif inclus dans le billet du musée (gratuité -18 ans et -26 ans le vendredi soir!) Lien ici.

Illustrations:
1- Pisanello (dit), Antonio di Puccio di Giovanni (Vérone ou San Vigilio, 1394 ? - ?, 1450/1455), Coque d’un navire portée par un dragon et esquisse d’un dragon, plume et encre brune, lavis brun, pierre noire, musée du Louvre, département des Arts graphiques © Musée du Louvre.
2- Jean-Auguste-Dominique Ingres, Roger délivrant Angélique, 1819, huile sur toile, 147 x 199 cm, musée du Louvre, département des Peintures
© Musée du Louvre.
3- Antoine-Louis Barye, Angélique et Roger montés sur l’hippogriffe, vers 1840, bronze à patine verte, 51,5 x 69 x 29 cm, musée du Louvre, département des Objets d’arts, déposé au département des Sculptures.
© Musée du Louvre.

lundi 2 mars 2009

Quelques dessins florentins à l'École des beaux-arts

Le Cabinet des dessins Jean Bonna de l'École nationale supérieure des beaux-arts présente actuellement, et jusqu'au 30 avril, Le dessin à Florence au temps de Michel-Ange. Comme toujours à l'ENSBA, une exposition petite, mais de grande qualité.

Foyer intellectuel et artistique du Quattrocento, Florence est le berceau de la Renaissance. Y naît vers 1415 une nouvelle conception de l'espace et de sa représentation: en sculpture Donatello crée des corps aux proportions plus amples et humaines tandis qu'en peinture se met en place la perspective mathématique à l'aide des points de fuites (la Trinité de Masaccio). Mais la fin du siècle et le déclin de la famille Médicis, dont le puissant mécénat permettait le foisonnement artistique de la ville, met fin au rayonnement florentin et fait naître les incertitudes. L'idéal classique n'est plus d'actualité, les cherches formelles ne tendent plus vers la représentation de la perfection. On cherche autre chose. On expérimente, on s'intéresse au sentiment, à l'anatomie - parfois de façon outrancière-, à l'expression de la forme, aux maîtres passés. Michel-Ange ouvre la voie, et derrière lui s'organise la première génération maniériste des années 1530.

À travers un choix de vingt-neuf dessins conservés à l’École des beaux-arts, le commissaire de l'exposition Emmanuelle Brugerolles nous fait prendre contact avec les grands artistes peintres et sculpteurs florentins de cette génération.

Une étude d'homme de Michel-Ange ouvre la marche avec force. Elle est suivie d'un projet du conventionnel et appliqué Vasari, avant de céder la place à l'art doux et sinueux de Salviati. La petite tête féminine de profil (choisie pour l'affiche) est magnifique. Elle impressionne de finesse, dans le dessin à la plume, et de délicatesse, dans la pose du lavis. De Salviati sont également présentés une grande Visitation sur papier bleu et animée de rehauts de blancs ainsi qu'un dessin plus inhabituel de Trois hommes nus enlacés. Fréquemment représentée dans l'art de la Renaissance, l'homosexualité masculine demeurait néanmoins un thème lié à la commande privée. Les trois hommes musculeux et sensuels sont les héritiers directs des Ignudi de Michel Ange à la Sixtine.

Baccio Bandinelli, éternel rival de Michel-Ange réhabilité l'année dernière par les commissaires de l'exposition monographique du Louvre, est présenté à mi-parcours à travers des études pour des commandes religieuses, des compositions complexes aux nombreux personnages, dessinées à l'aide d'une plume chargée d'encre. Avec Baccio Bandinelli, l'heure est à l'expressivité, à la rapidité, au dynamisme, l'idéal classique a disparu.
Vérisme et puissance se retrouvent dans l'anatomie parfaite de L'étude de trois jambes de Perin Del Vaga, tandis que le canon s'allonge avec douceur chez Pontormo, Alessandro Allori ou Sogliani. La vivacité des visages éloigne les jeunes filles de Del Sarto des Vierges de Raphaël, et les deux ravissantes têtes d'enfants vues de profil de Giovanni Capassini des Jésus enfants classiques.

Se pencher sur le dessin à la Renaissance permet de s'approcher au plus près de l'artiste. Plus libre et intime que la peinture d'autel ou de grands décors, le dessin renaissant est l'espace de l'expérimentation, des essais, des ratures, des mises en place et des audaces. La simplicité, l'intimité et la pédagogie de la présentation s'accordent parfaitement avec le sujet de l'exposition. Une jolie réussite, comme souvent au cabinet Jean Bonna.

cliquer ici pour le site de l'expo
12 février – 30 avril 2009. Du lundi au vendredi de 13h à 17h. Entrée libre

samedi 21 février 2009

Giorgio de Chirico

Le Musée d'Art Moderne de la ville de Paris présente actuellement une rétrospective de l'oeuvre de Giorgio de Chirico (1888-1978) "Giorgio de Chirico: la fabrique des rêves". Peintre italien d'origine grecque, partagé entre Rome, Florence et Paris, de Chirico appartient sans conteste à la première moitié du XXe siècle. Comme ses contemporains, il s'interroge dans les années 1910 sur le devenir de la société industrielle, explore l'absurde et le rêve pendant la Première Guerre, avant d'opérer un "retour à l'ordre" dans les années 1930-1940, en regardant les oeuvres du passé.

Les premières oeuvres exposées sont des portraits, peints dans les premières années du siècle. Ils sont peints à mi-corps, de trois quart ou de profil, sur des fonds neutres. Une margelle au premier plan crée la distance avec le spectateur. On comprend dès l'entrée le poids de la culture italienne de Giorgio de Chirico. Il peint ici selon l'exact schéma traditionnel du portrait de la première renaissance, celle des Antonello da Messine, Pisanello, Piero Della Francesca.
Les années 1910-1915. voient l'explosion de la singularité de Giorgio de Chirico. Prémices de la création en 1915 avec Carrà du mouvement "La Metafisica", les peintures de Chirico sont des images immobiles, des représentations de villes désertes et silencieuses, déshumanisées. L'artiste mène une réflexion sur l'homme et son devenir dans la société industrielle du XXe siècle. La figure humaine est presque oubliée, elle est un pantin, un mannequin de bois sans visage, une ombre, lorsqu'elle n'a pas disparu du tableau. Les seuls personnages sont des statues. Résurgences d'une antiquité imperturbable et indestructible, ces hommes ou femmes de marbre blanc semblent méditer, la tête appuyée sur leur main, sur la condition de l'homme moderne. Le décor d'architecture est minimaliste, froid. Les constructions, des usines, des gares et des "immeubles" intemporels, lisses et clairs, sont animés par des voûtes en plein cintre, souvenir étrange des principes antiques et renaissants de l'architecture italienne: la géométrie et l'équilibre, l'utilisation du carré comme module de construction. Cette modernité apparemment parfaite ne l'est pas tant que ça, elle commence même à se fissurer, comme en témoignent quelques légères fentes sur les crépis blancs.
En 1911 de Chirico s'est installé à Paris. Lié d'amitié avec Guillaume Apollinaire, il s'est rapproché des surréalistes et ses oeuvres, à la perspective géométrique rigide, au coloris froid et acide, forment des images oniriques et inquiétantes qui ne sont pas sans évoquer celles contemporaines de Max Ersnt.
Autonome, de Chirico affirme sa peinture métaphysique, entre surréalisme et obsession pour l'art classique: les figures de l'antiquité gréco-romaine, les sujets mythologiques sont en effet de plus en plus récurrents ("Hector et Andromaque"). Dans le tableau "Archéologie" (1927) les deux personnages assis, des mannequins drapés à l'Antique, semblent anéantis sous le poids d'une antiquité à la fois nécessaire et trop présente, comme un écho aux campagnes de fouilles fascistes menées à Rome dans ces mêmes années, dans un but de glorification nationaliste.

Le travail des années 1930, narratif et absurde, soigneusement peint dans un style presque naïf, fait songer au surréalisme tardif de Magritte, notamment avec la série des "Bains mystérieux".
Les années 1940 et suivantes, que de Chirico passe entre Rome et Florence, se partagent en deux grandes tendances: un travail d'après des oeuvres de grands maîtres (Watteau, Rubens, Véronèse, Fragonard...) et un travail de copie de ses propres oeuvres de la première période métaphysique des années 1910. Ni virtuoses ni animées d'un souffle nouveau, les oeuvres d'après les maîtres, sans être de véritables copies, ne sont pas non plus des réinterprétations. Les couleurs sont lourdes, presque vulgaires. Seul se distingue un étonnant autoportait nu, qu'on pendrait presque pour un Lucien Freud.
Quant aux copies de ses propres oeuvres - bien moins subtiles au niveau du coloris et de la touche que les originaux - s'agit-il d'un délire égocentrique ou au contraire d'un certain désespoir, comme si s'exprimait dans la redite le regret et la frustration de n'avoir jamais pu faire mieux?

En effet, les peintures métaphysiques sont des coups de poing visuels. C'est là la véritable invention de la peinture de Chirico: une peinture forte, graphique, silencieuse et inquiétante. Pressentiment du fascisme, questionnement sur l'être et son devenir, sur l'histoire et son inéluctabilité. C'est donc, selon moi, pour cette première partie qu'il faut se rendre au Musée d'Art Moderne de la ville de Paris.

Du 13 février au 24 mai 2009.
Cliquer ici pour le site de l'expo.

Illustrations:
[1] Les Epoux, 1926, Musée de Grenoble
[2] Mélancolie, 1912 , Londra, Estorick Collection
[3] Archéologie, 1927
[4] Bains mystérieux II, Collection Particulière, Courtesie Gallery dello Scudo, Verone

dimanche 15 février 2009

Sous l'Empire des crinolines, 1852-1870


Paris, musée Galliera
Du 29 novembre 2008 au 26 avril 2009
Plus de 300 pièces... mais pour une fois ça n'est pas trop!



La crinoline incarne, dans nos imaginaires remplis de contes de fée, un faste princier. C'est en songeant à mes déguisements de princesse que je suis entrée dans l'exposition. Effectivement, la crinoline est un symbole des fastes du Second Empire, qui s'exprime à travers les Expositions Universelles et les réceptions de la cour.

Cette exposition ne remet absolument pas en cause notre imaginaire, ce qui est réellement agréable. Elle se déroule comme une promenade au milieu de la haute société : des mannequins impersonnels mais aux coiffures d'époque, portent les robes somptueuses et dominent légèrement le spectateur, juchés sur de vastes estrades. La muséographie vise à évoquer le luxe de l'époque grâce à des impressions murales de frises, par l'emploi de couleurs affirmées (bleu, jaune, noir, rouge) qui ne nuisent cependant pas aux vêtements, et par des jeux de miroirs qui multiplient les crinolines exposées. Des "coins" sont aménagés pour les enfants, dans des recoins... et fréquenté par un public de 7 à 77 ans ! Comme quoi, les petits bouts de tissus que l'on peut (enfin!) toucher, ça concerne tout le monde.

Loin de se contenter d'un beau défilé de femmes du monde, l'exposition organise son discours en trois temps principaux: l'apparat, la scène de Bal; la crinoline et la Vie moderne (des bains de mer à la transformation des industries textiles), et le luxe. Les accessoires de l'habillement sont ainsi présentés dans des vitrines thématiques : éventails, bijoux, ombrelles, chaussures... Des textes muraux et des cartels explicatifs ponctuels donnent des explications, mais l'on ressort surtout frappé par les objets exceptionnels exposés, la qualité des textiles, la virtuosité des ivoires, des bijoux et la préciosité de l'ensemble. L'exposition donne à voir et à comprendre un pan de la vie -essentiellement féminine- des hautes sphères du Second Empire, par quelques informations judicieusement illustrées. La présentation s'achève de manière très pertinente sur la postérité de ce style vestimentaire qui a inspiré couturiers et cinéastes. Malheureusement, les derniers espaces pêchent un peu par leur exiguïté.

Pour toutes celles qui se sentent l'âme d'une petite fille, qui auront envie de choisir leur robe (ou d'essayer le jupon à cerceau du parcours enfant), je vous recommande cette exposition!! Pour tout ceux qui veulent les accompagner, c'est une véritable remontée dans le temps, qui rend perceptible la sensibilité d'une époque.

Catalogue : 39 euros
Lien vers la page de l'exposition

vendredi 6 février 2009

Petit séjour sur l'île de Pâques

Retour de vacances, mémoire, séminaires, exposés, nombreuses fins d'expositions ... Janvier ne fut pas propice aux critiques (même si je suis allée visiter Emil Nolde, Nikolaï Abildgaard) mais "L'oeil à l'oeuvre" continue en 2009, et je commencerai cette année par un article sur une exposition consacrée à la civilisation océanique "Rapa Nui, l'île de Pâques" en ce moment et jusqu'au 1er mars à l'Espace Fondation EDF.

Organisée sur trois petits niveaux l'exposition amène le visiteur à découvrir progressivement l'île de Pâques et les hommes qui y vivent, les objets qu'ils produisent, leurs croyances, leur écriture et leur histoire.

Dans un premier temps nous prenons connaissance des lieux. Sont expliqués géographie, géologie, faune et flore de l'île de Pâques, la terre peuplée la plus isolée de la planète. En effet, plus de 2 000 km séparent la première île Polynésienne de cette petite terre dont la formation est due à la proximité de trois volcans océaniques. À peine plus grande en superficie que la ville de Paris, l'île de Pâques ne fut habitée qu'à partir de l'an Mil de notre ère, suite à l'arrivée de courageux navigateurs Polynésiens (venus semble-t-il des Marquises).
Nous découvrons ces hommes, leur alimentation (de la pêche aux plants apportés en bateaux depuis leur région d'origine), la hiérarchie de leur société ainsi que leurs croyances. Comme en Polynésie, on célèbre les ancêtres et des Dieux à travers des chants, danses, manipulations d'objets cultuels, lors de cérémonies où l'on porte des vêtements décorés de plumes. L'art corporel des tatouages, à la fois rituel et ornemental nous est rappelé à travers des photographies contemporaines et des dessins de Pierre Loti.
Après la prospérité des premiers siècles d'installation, une catastrophe naturelle décime la forêt de l'île au cours du XVIIe siècle. Un siècle après à peine, la tragique arrivée des navigateurs hollandais - en 1722 le jour de Pâques-, puis l'esclavage, les épidémies et les missions évangéliques marquent l'anéantissement de la culture Rapa Nui. Culture riche, dont les traces matérielles témoignent: rares peintures rupestres, rochers sculptés, assemblages de plumes, sculptures de pierre ou de bois.
La production sculptée, qui ne se réduit pas aux monumentaux Moai de pierre aux visages graves et muets, privilégie très largement la représentation anthropomorphe ou hybride. Les pascuans sculptent dans un bois brun rouge sombre, dense et brillant, le sophora, une multitude de personnages, d'entités spirituelles, ancêtres ou divinités. Il s'agit tantôt d'hommes ou de femmes d'âge moyen, les moai tangata, tantôt de personnages "aux côtes saillantes" les moai kavakava, , ou encore de représentations chimériques telles que l'homme-lézard, moai moko, ou le moai manu, l'homme-oiseau. Seules les têtes de ces personnages aux longues oreilles, sourcils continus en arêtes de poisson, yeux ronds incrustés, bouche ourlée et crâne incisé d'une pieuvre ou d'une tête barbue, sont parfois représentées sur des bâtons rituels (au) ou ornements pectoraux en demi lune (reimiro).
Le raffinement, la précision et la fluidité des formes sculptées se retrouvent dans les signes souples et comme aquatiques de leur écriture. Les pascuans avaient en effet mis au point une écriture composée de milliers de signes qu'ils incisaient sur des tablettes de bois. Cette épigraphie dite rongorongo demeure indéchiffrée. Son sens de lecture est complexe: on lit de bas en haut et de gauche à droite, chaque ligne étant inversée par rapport à la précédente (il faut donc lire en tournant la plaquette à chaque fin de ligne).

Petite, claire, pédagogique et dépaysante, cette petite exposition dont les commisaires sont deux époux chercheurs et anthropologues au CNRS (Michel et Catherine Orliac), est organisée par la Fondation EDF Diversiterre. Elle est par ailleurs gratuite... je ne vois donc aucune bonne raison de ne pas s'y promener.

20 novembre 2008 – 1er mars 2009
cliquer ici pour le site de l'expo.