mardi 29 septembre 2009

Regarder Renoir

L'exposition Renoir au XXe siècle qui s'est ouverte depuis quelques jours au Grand Palais suscite des critiques très diverses. Je n'apprécie pas toutes les oeuvres de Renoir, loin de là. Cependant, l'intérêt et le plaisir que j'ai éprouvés au cours de ma visite de l'exposition, ainsi que mon désaccord avec le commentaire dépréciatif de Lunettes Rouges m'ont donnés envie d'écrire en quelques lignes les raisons pour lesquelles il faut, selon moi, faire un tour à "Renoir au XXe siècle".

L'exposition présente l'oeuvre de la fin de vie de Pierre-Auguste Renoir, c'est-à-dire sa production peinte, dessinée et sculptée — l'accent est mis sur la peinture — des années 1890 à 1919, année de la mort du peintre.

Tout le monde connaît Renoir, le peintre impressionniste des années 1875-1880, l'auteur du Bal au Moulin de la Galette (1876, Paris, Orsay) ou du Déjeuner des canotiers (1881, Washington, National Gallery). Mais on oublie souvent qu'il produisit jusqu'en 1919, c'est-à-dire qu'il fut contemporain des "avants-gardes": le fauvisme, le cubisme, le futurisme, la naissance de l'abstraction et Dada.

Certes, certains lui reprochent, Renoir n'est pas un "moderne". Il ne se convertit ni au fauvisme, ni au cubisme, et il ne semble même pas en subir l'influence. Il continue ses recherches picturales, il poursuit dans la logique de son oeuvre — quoi de plus naturel? —, il hésite encore. Il revient aux "classiques", regarde Boucher et l'art du XVIIIe siècle dans ses nus à la toilette aux carnations nacrées, il se tourne vers l'orientalisme rêvé d'Ingres, ou vers celui plus flamboyant de Delacroix dans ses Odalisques ou ses danseuses orientales, il revendique un art intemporel et décoratif. À l'instar de ses maitres classiques, Renoir prend les femmes pour modèle. Il aime leurs chairs nuageuses, leurs corps ronds et accueillants, leurs chevelures épaisses. Sensuelles sans être sexuelles, elles sont peintes à l'aide d'une touche vaporeuse comme une poudre de pastel.

Des oeuvres de ses contemporains: Bonnard, Picasso, Matisse, émaillent le parcours. Elles ne sont pas là, comme l'ont vu certains, pour montrer en vain que Renoir "annonce" ou "préfigure" quoique ce soit — je trouve en outre l'idée de l'artiste "annonciateur" inepte. Elles sont au contraire des contrepoints pour situer le peintre. Les confrontations permettent de comprendre les éléments de la peinture de Renoir dont les jeunes peintres du XXe siècle se nourrissent, les thématiques qu'ils partagent, et surtout la marginalité de Renoir par rapport à cette jeune génération des Picasso et Matisse. A ceux qui reprochent à Renoir de ne pas être de son temps, je répondrais par exemple que ces derniers, Matisse et Picasso, deviendront aussi des "classiques", comme Renoir, à la fin de leur vie. Et personne ne s'étonne aujourd'hui que Picasso, mort en 1973, ne se soit jamais confronté au monochrome, au néon, ou à la vidéo.

Renoir n'est pas moderne, mais dire que Renoir n'appartient pas au XXe siècle est une erreur. Au contraire, c'est le XXe siècle qui lui apporte la reconnaissance publique, institutionnelle et commerciale.
L'exposition "Renoir au XXe siècle" permet donc de comprendre en quoi la richesse du début du XXe siècle réside dans la diversité des styles, des manières, des personnalités des artistes. Elle permet aussi de découvrir des chefs-d'oeuvre de la peinture, comme La colerette rouge ou Jeune espagnole à la guitare (illustrations): la composition, la couleur, la lumière, la matière, tout y est virtuose.

Jusqu'au 4 janvier 2010.

Illustrations
1- Fille à la collerette rouge, Pierre-Auguste Renoir, 1896 -Huile sur toile, 41,3 x 33,3 cm
© Philadelphia Museum of Art
2- Jeune Espagnole avec une guitare, 1898, The National Gallery of Art, Washington© The National Gallery of Art, Washington