mercredi 1 octobre 2008

Mantegna

Pour commencer sa saison 2008-2009, le Louvre se consacre à la Renaissance italienne, à travers l'oeuvre d'un de ses plus grands représentants, dont le nom est cependant assez peu connu de grand public (dès qu'on sort de Raphaël, Léonard, Michel-Ange, Titien et Véronèse...) Andrea Mantegna (1431-1506).

Né à Isola di Carturo entre Padoue et Vicence, Mantegna fait partie de ceux qu'on appelle les peintres des "cours italiennes", c'est-à-dire ceux qui sont originaires et font carrière hors du berceau florentin, de la Rome papale ou de la commerçante cité vénitienne. Formé par le peintre Squarcione — dont il gardera le goût pour le détail et les guirlandes de fleurs et de fruits — le jeune Mantegna rencontre probablement Donatello à Padoue avant d'épouser la fille de Giacopo Bellini, père de Giovanni et Gentile, union qui l'introduit auprès des plus grands peintres vénitiens de la fin du Quattrocento. En 1460, Mantegna entre au service de la puissante famille ducale des Gonzague à Mantoue, pour laquelle il peint la très célèbre Chambre des Époux entre 1465 et 1474. Mais Mantoue n'est pas la seule cour italienne en pleine "ébullition artistique" où Mantegna travaille. Il répond à des commandes pour les villes de Pise, Florence, Ferrare, Rome (sur appel du Pape)...
À travers un plan "strictement chronologique" l'exposition se veut la suggestion du "parcours poétique de l'artiste" depuis la Padoue "bouillonnante" jusqu’à l'impuissance face à la génération de la "maniera moderna", selon Vasari, des Corrège et Léonard de Vinci.

Sans s'appesantir sur la définition de la Renaissance, l'exposition réussit plutôt brillamment l'exercice monographique sans lasser le visiteur. La présence d’œuvres de nombreux autres artistes (Donatello, Bellini, Corrège pour les grands, et bon nombre de maîtres secondaires) permet de comprendre dans un contexte artistique assez vaste l'oeuvre de Mantegna , par ailleurs d’une très grande qualité. Il est d'ailleurs frappant de constater à quel point ses oeuvres sont supérieures aux Schiavone, Da Forlì, Zoppo etc. Quelques-unes venant de collections étrangères sont d'une beauté à tomber à la renverse (je trouve qu'elles méritent à elles seules la visite): la Sainte Justine de Padoue [photo] (Brera, Milan), La Cironcision (les Offices, Florence), un Saint Apôtre dessiné à la pointe métallique (Offices, Florence), ou Le Christ entre deux anges, pour l'incroyable linceul blanc et le tombeau de porphyre moucheté; et les oeuvres du Louvre se découvrent hors du couloir de l'infernale Grande Galerie (La crucifixion, La Vierge de la Victoire ou le décor du Studiolo d'Isabelle d'Este [photo]).

L'ensemble de tableaux et dessins permet de comprendre l'évolution stylistique du peintre, depuis la minutie précieuse et les profils en médailles des années 1440 aux personnages plus amples et doux du début du XVIe siècle, et d'apprécier la parfaite maîtrise des drapés ou la science dans l'agencement des couleurs franches. Incroyablement mesuré, précis et équilibré (Philippe Dagen dans Le Monde le qualifie même de "maniaque" et "obstiné") l'art de Mantegna s'inspire aussi bien de l'érudition archéologique et du goût pour l'Antique de Squarcione, que de la minutie (botanique par exemple) de Van Der Weiden ou de la lumière dorée des Bellini, sa belle-famille.

Si l'exposition présente certains défauts (habituels au Louvre : certaines salles sont un peu vides et d'autres sont un peu "goulot d'étranglement", la couleur des murs est parfois "tristoune" et certaines infos sont écrites trop petit) les oeuvres sont d'une telle qualité qu'on ne peut passer à côté.

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