samedi 28 mars 2009

Voyage dans l'imaginaire de l'Arioste au Louvre

Quand on pense à l'art classique, à la sculpture, aux arts graphiques et à la peinture en particulier, on oublie souvent qu'il existe une autre source d'inspiration pour les artistes que la religion ou la mythologie, le paysage ou la nature morte, le portrait ou la scène de genre... il s'agit bien entendu la littérature et la poésie!
Pourtant, depuis les romans courtois du Moyen-Âge, les écrivains et poètes - Dante, l'Arioste, Shakespeare - fournissent à travers leurs écrits un large répertoire iconographique. Ils sont le point de départ à des images peut-être moins conventionnelles, plus romanesques ou sentimentales, plus fantastiques ou oniriques, dans lesquelles l'artiste peut aisément projeter son propre imaginaire.

Ludovico Ariosto dit l'Arioste (1474 - 1533), dont on lit souvent le nom sur les cartels des musées, était un écrivain et homme de cour au service des princes d’Este, à Ferrare. Il y publia en 1516 la première édition du Roland furieux, un long poème chevaleresque (près de 40 000 vers) inspiré de la mythologie païenne, des romans médiévaux et des contes et légendes de l'Italie de la Renaissance humaniste. Son univers, exubérant, érudit et précieux, nourri de références, est peuplé de combats, de chevaliers, de forêts incroyables et d'héroïnes à délivrer. Dès sa parution, le poème fut un immense succès et il ne cessa de nourrir, durant quatre siècles, la créativité des peintres, sculpteurs, écrivains, de l'Opéra et du théâtre.

Peut-être un peu érudite, cette petite exposition "L'imaginaire de l'Arioste" ne comporte cependant que deux salles "L'imaginaire de l'Arioste" et "L'Arioste imaginé" et nous montre de Pisanello à Ingres, en passant par Nicolò dell'Abate, Fragonard, Duseigneur ou Gustave Moreau, les artistes italiens et français qui se sont inspirés et appropriés l'Univers du Roland Furieux. Les dessins renaissants, foisonnants de détails, sont de petites merveilles. À voir donc, s'il on se promène au Louvre dans l'aile Denon, plutôt que les médiatiques et sans intérêt "Funérailles de Mona Lisa", c'est mon avis.

Jusqu'au 18/05/2009, Musée du Louvre, aile Denon, tarif inclus dans le billet du musée (gratuité -18 ans et -26 ans le vendredi soir!) Lien ici.

Illustrations:
1- Pisanello (dit), Antonio di Puccio di Giovanni (Vérone ou San Vigilio, 1394 ? - ?, 1450/1455), Coque d’un navire portée par un dragon et esquisse d’un dragon, plume et encre brune, lavis brun, pierre noire, musée du Louvre, département des Arts graphiques © Musée du Louvre.
2- Jean-Auguste-Dominique Ingres, Roger délivrant Angélique, 1819, huile sur toile, 147 x 199 cm, musée du Louvre, département des Peintures
© Musée du Louvre.
3- Antoine-Louis Barye, Angélique et Roger montés sur l’hippogriffe, vers 1840, bronze à patine verte, 51,5 x 69 x 29 cm, musée du Louvre, département des Objets d’arts, déposé au département des Sculptures.
© Musée du Louvre.

lundi 2 mars 2009

Quelques dessins florentins à l'École des beaux-arts

Le Cabinet des dessins Jean Bonna de l'École nationale supérieure des beaux-arts présente actuellement, et jusqu'au 30 avril, Le dessin à Florence au temps de Michel-Ange. Comme toujours à l'ENSBA, une exposition petite, mais de grande qualité.

Foyer intellectuel et artistique du Quattrocento, Florence est le berceau de la Renaissance. Y naît vers 1415 une nouvelle conception de l'espace et de sa représentation: en sculpture Donatello crée des corps aux proportions plus amples et humaines tandis qu'en peinture se met en place la perspective mathématique à l'aide des points de fuites (la Trinité de Masaccio). Mais la fin du siècle et le déclin de la famille Médicis, dont le puissant mécénat permettait le foisonnement artistique de la ville, met fin au rayonnement florentin et fait naître les incertitudes. L'idéal classique n'est plus d'actualité, les cherches formelles ne tendent plus vers la représentation de la perfection. On cherche autre chose. On expérimente, on s'intéresse au sentiment, à l'anatomie - parfois de façon outrancière-, à l'expression de la forme, aux maîtres passés. Michel-Ange ouvre la voie, et derrière lui s'organise la première génération maniériste des années 1530.

À travers un choix de vingt-neuf dessins conservés à l’École des beaux-arts, le commissaire de l'exposition Emmanuelle Brugerolles nous fait prendre contact avec les grands artistes peintres et sculpteurs florentins de cette génération.

Une étude d'homme de Michel-Ange ouvre la marche avec force. Elle est suivie d'un projet du conventionnel et appliqué Vasari, avant de céder la place à l'art doux et sinueux de Salviati. La petite tête féminine de profil (choisie pour l'affiche) est magnifique. Elle impressionne de finesse, dans le dessin à la plume, et de délicatesse, dans la pose du lavis. De Salviati sont également présentés une grande Visitation sur papier bleu et animée de rehauts de blancs ainsi qu'un dessin plus inhabituel de Trois hommes nus enlacés. Fréquemment représentée dans l'art de la Renaissance, l'homosexualité masculine demeurait néanmoins un thème lié à la commande privée. Les trois hommes musculeux et sensuels sont les héritiers directs des Ignudi de Michel Ange à la Sixtine.

Baccio Bandinelli, éternel rival de Michel-Ange réhabilité l'année dernière par les commissaires de l'exposition monographique du Louvre, est présenté à mi-parcours à travers des études pour des commandes religieuses, des compositions complexes aux nombreux personnages, dessinées à l'aide d'une plume chargée d'encre. Avec Baccio Bandinelli, l'heure est à l'expressivité, à la rapidité, au dynamisme, l'idéal classique a disparu.
Vérisme et puissance se retrouvent dans l'anatomie parfaite de L'étude de trois jambes de Perin Del Vaga, tandis que le canon s'allonge avec douceur chez Pontormo, Alessandro Allori ou Sogliani. La vivacité des visages éloigne les jeunes filles de Del Sarto des Vierges de Raphaël, et les deux ravissantes têtes d'enfants vues de profil de Giovanni Capassini des Jésus enfants classiques.

Se pencher sur le dessin à la Renaissance permet de s'approcher au plus près de l'artiste. Plus libre et intime que la peinture d'autel ou de grands décors, le dessin renaissant est l'espace de l'expérimentation, des essais, des ratures, des mises en place et des audaces. La simplicité, l'intimité et la pédagogie de la présentation s'accordent parfaitement avec le sujet de l'exposition. Une jolie réussite, comme souvent au cabinet Jean Bonna.

cliquer ici pour le site de l'expo
12 février – 30 avril 2009. Du lundi au vendredi de 13h à 17h. Entrée libre