lundi 2 mars 2009

Quelques dessins florentins à l'École des beaux-arts

Le Cabinet des dessins Jean Bonna de l'École nationale supérieure des beaux-arts présente actuellement, et jusqu'au 30 avril, Le dessin à Florence au temps de Michel-Ange. Comme toujours à l'ENSBA, une exposition petite, mais de grande qualité.

Foyer intellectuel et artistique du Quattrocento, Florence est le berceau de la Renaissance. Y naît vers 1415 une nouvelle conception de l'espace et de sa représentation: en sculpture Donatello crée des corps aux proportions plus amples et humaines tandis qu'en peinture se met en place la perspective mathématique à l'aide des points de fuites (la Trinité de Masaccio). Mais la fin du siècle et le déclin de la famille Médicis, dont le puissant mécénat permettait le foisonnement artistique de la ville, met fin au rayonnement florentin et fait naître les incertitudes. L'idéal classique n'est plus d'actualité, les cherches formelles ne tendent plus vers la représentation de la perfection. On cherche autre chose. On expérimente, on s'intéresse au sentiment, à l'anatomie - parfois de façon outrancière-, à l'expression de la forme, aux maîtres passés. Michel-Ange ouvre la voie, et derrière lui s'organise la première génération maniériste des années 1530.

À travers un choix de vingt-neuf dessins conservés à l’École des beaux-arts, le commissaire de l'exposition Emmanuelle Brugerolles nous fait prendre contact avec les grands artistes peintres et sculpteurs florentins de cette génération.

Une étude d'homme de Michel-Ange ouvre la marche avec force. Elle est suivie d'un projet du conventionnel et appliqué Vasari, avant de céder la place à l'art doux et sinueux de Salviati. La petite tête féminine de profil (choisie pour l'affiche) est magnifique. Elle impressionne de finesse, dans le dessin à la plume, et de délicatesse, dans la pose du lavis. De Salviati sont également présentés une grande Visitation sur papier bleu et animée de rehauts de blancs ainsi qu'un dessin plus inhabituel de Trois hommes nus enlacés. Fréquemment représentée dans l'art de la Renaissance, l'homosexualité masculine demeurait néanmoins un thème lié à la commande privée. Les trois hommes musculeux et sensuels sont les héritiers directs des Ignudi de Michel Ange à la Sixtine.

Baccio Bandinelli, éternel rival de Michel-Ange réhabilité l'année dernière par les commissaires de l'exposition monographique du Louvre, est présenté à mi-parcours à travers des études pour des commandes religieuses, des compositions complexes aux nombreux personnages, dessinées à l'aide d'une plume chargée d'encre. Avec Baccio Bandinelli, l'heure est à l'expressivité, à la rapidité, au dynamisme, l'idéal classique a disparu.
Vérisme et puissance se retrouvent dans l'anatomie parfaite de L'étude de trois jambes de Perin Del Vaga, tandis que le canon s'allonge avec douceur chez Pontormo, Alessandro Allori ou Sogliani. La vivacité des visages éloigne les jeunes filles de Del Sarto des Vierges de Raphaël, et les deux ravissantes têtes d'enfants vues de profil de Giovanni Capassini des Jésus enfants classiques.

Se pencher sur le dessin à la Renaissance permet de s'approcher au plus près de l'artiste. Plus libre et intime que la peinture d'autel ou de grands décors, le dessin renaissant est l'espace de l'expérimentation, des essais, des ratures, des mises en place et des audaces. La simplicité, l'intimité et la pédagogie de la présentation s'accordent parfaitement avec le sujet de l'exposition. Une jolie réussite, comme souvent au cabinet Jean Bonna.

cliquer ici pour le site de l'expo
12 février – 30 avril 2009. Du lundi au vendredi de 13h à 17h. Entrée libre

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Une exposition en effet "petite mais de grande qualité" quand on sait que les dessins sont de la main de ces maîtres de la Renaissance.

Benjamin Couilleaux a dit…

Salviati et Bandinelli sont vraiment très bien représentés ! Et dire que ce cher Baccio attend encore une monographie...

alix a dit…

... les champs de la recherche en histoire de l'art sont inépuisables!

Elodie a dit…

C'est trop beau - commentaire purement subjectif et sans la moindre analyse, mais c'est tellement vrai !!!