samedi 29 novembre 2008

Le Mystère et l'éclat, pastels du musée d'Orsay

Commissariat : Philippe Saunier, conservateur au musée d'Orsay
Exposition du 8 octobre 2008 au 1e février 2009
Paris, musée d'Orsay

Edouard MANET,
Portrait d'Irma Brunner,
v. 1880, pastel sur toile et châssis,
53,5 x 44,1 cm,
Paris, musée d'Orsay,
©photo musée d'Orsay / rmn

Une exposition est toujours, pour un musée, l'occasion de revaloriser ses collections. Aussi, les pastels du musée d'Orsay ont bénéficié pour l'occasion d'une importante campagne de restauration. Pour cette raison, ou parce qu'elles ont quitté leurs salles obscures des combles du musée, les œuvres semblent plus colorées, plus chatoyantes, plus vivantes.

La présentation de ces œuvres graphiques correspond parfaitement à leur esprit : au sol, la moquette étouffe les pas des visiteurs, les cimaises sont dans les tons prune et lilas pour créer une atmosphère intime et poudreuse. L'amplitude des salles permet la redécouverte de chefs-d'œuvre, dont la présentation sous verre est rendue quasiment invisible par un éclairage habile.

Une première salle introduit la technique et son histoire grâce à des œuvres du XVIIIe siècle et à des pièces contemporaines, qui sont plutôt bien choisies. L'exposition se cantonne ensuite aux œuvres d'Orsay, et exclut la première moitié du XIXe siècle car les néoclassiques se détournent du pastel. Le parcours se déroule en 13 sections chrono-thématiques, du réalisme au symbolisme en faisant quelques points sur des artistes virtuoses, comme Edouard Manet, Edgar Degas ou Odilon Redon. Les différents genres sont abordés, notamment le paysage et le portrait, qui renvoient sans doute à la pratique plus intime que permet cette technique, facile à transporter.

Raconter le contenu de l'exposition ne semble pas avoir un grand intérêt. Y sont rappelées les motivations des artistes qui choisissaient le pastel et leurs recherches formelles. Ce qui frappe surtout, c'est la manière dont chaque peintre conserve son style, son approche picturale : Manet travaille plutôt dans les aplats quand Lucien Lévy-Dhurmer joue du dégradé pour créer une sorte de sfumato et fondre ses figures dans le fond. Il faut attendre Redon pour qu'il y ait une véritable recherche sur les possibilités offertes par la technique, au-delà de l'imitation des effets de la peinture. La confrontation d'œuvres d'artistes aussi différents que Jean-François Millet et Pierre Puvis de Chavanne, ou que Emile Lévy et Georges Desvallières, met en évidence la richesse du pastel.

Rien de vraiment nouveau dans cette exposition, aucune révélation pour l'histoire de l'art, si ce n'est le plaisir non caché du public qui redécouvre des œuvres et une technique dans une présentation séduisante. A voir absolument avant que les œuvres ne retournent dans la nuit de leurs salles permanentes !

LIEN vers l'exposition sur le site du musée d'Orsay


vendredi 28 novembre 2008

Bronzes français : de la Renaissance au siècle des Lumières

Commissariat : Geneviève Bresc-Bautier et Guilhem Scherf, musée du Louvre
Exposition du 24 octobre 2008 au 19 janvier 2009
Paris, musée du Louvre, Aile Richelieu ; cours Marly et Puget, crypte Girardon, salle Houdon
Exposition coorganisée avec le Metropolitan Museum of Art de New York et le J. Paul Getty Museum de Los Angeles.
Prêts exceptionnels des collections royales anglaises, des musées de Dresde, de Toulouse et du château de Versailles.

Pierre Ier BIARD,
La Renommée,
bronze, H : 117 cm,
ailes restaurées par Chinard en 1805,
acquis en 1834, Paris, musée du Louvre


Placée sous le signe de l'« année européenne du dialogue interculturel », cette exposition vise à faire le point sur les bronzes français, jusqu'alors peu étudiés, contrairement à ceux italiens et germaniques ; à travers la production monumentale mais aussi le petit bronze d'agrément.

Trois difficultés se posaient avec un tel sujet : la faible popularité de la sculpture, les problématiques propres à son « accrochage » volumineux et à son poids, enfin la complexité de mise en œuvre d'un matériau souvent déprécié car il autorise le multiple. Cette exposition présente la production de sculpture en bronze à l'époque moderne, en convoquant les grands noms tels que Primatice, Jean Goujon, Germain Pilon, Barthélémy Prieur, Robert Le Lorrain, Michel Anguier, François Girardon, Pierre Puget, Jean-Baptiste Pigalle, Jean-Antoine Houdon. Chaque personnalité artistique est présentée par un texte mural qui met en évidence son traitement stylistique et rappelle sa place parmi ses pairs. Si le communiqué de presse annonce une division chronologique tripartite de l'exposition : « Du Maniérisme au Classicisme » (soit le XVIe siècle), «Un art majeur sous Louis XIV » (donc le XVIIe siècle) et enfin le « siècle des Lumières, de la Rocaille au Néoclassicisme » (et voilà pour le XVIIIe !) ; celle-ci n'est pas perceptible au cours de la visite. En effet, l'individualisation des artistes en petites sections monographiques et érudites successives ne permet pas d'avoir une vision globale de la production d'une période. En outre, on peut se demander s'il est encore fondé de construire une expositions grâce aux « ismes » de l'Histoire de l'art, dans une conception évolutionniste. Autant la production du règne du Roi Soleil peut trouver son homogénéité dans sa destination, autant il est difficile de percevoir le lien entre une figure de 1740 imprégnée par l'esprit « rocaille » et un bronze de la fin du siècle. Le lien entre une production « classicisante » de la fin du XVIe siècle et celle « néoclassique » des années 1780 n'est-il pas plus pertinent ?

De plus, la longueur et la complexité du parcours répond à l'amplitude de la fourchette chronologique. L'impossibilité de déplacer certaines œuvres a contraint à l'installation de l'exposition dans les collections permanentes. Il revient à la muséographie de créer le lien entre les oeuvres grâce à des socles, des rampes et une signalétique vert-de-gris, se mariant harmonieusement avec les œuvres. La dispersion des sculptures impose l'affichage de plans qui précisent le parcours que le visiteur doit suivre. Cependant, cette unité muséographique empêche toute matérialisation des découpages intellectuels du sujet et crée une certaine confusion pour le visiteur. On note ainsi que le public qui suit tout le parcours de l'exposition est rare. Il s'agit plutôt du visiteur occasionnel qui se laisse happer un moment au cours de sa visite des collections permanentes mais qui finit par décrocher d'un discours trop spécialisé.

Enfin, contrairement à ce que laisse entendre le texte introductif, le matériau, sujet de l'exposition je le rappelle, n'est absolument pas mis en valeur. Les cartels ne le mentionnent pas systématiquement, et seule une pauvre explication sur la technique de la cire perdue, incompréhensible et sans schéma, traîne dans un recoin de l'exposition, prête à dégoûter le misérable visiteur qui s'accrocherait encore à la visite. L'introduction met en évidence une variabilité, géographique et temporelle, des pratiques du bronze, mais rien ne fait dévier l'exposition d'une approche linéaire et biographique.

Il faut néanmoins souligner la qualité des éclairages, particulièrement soignés pour mettre en valeur les reliefs et les patines. Quant aux œuvres, c'est un pur plaisir. Donc, bonne visite!

LIEN vers le site du Louvre pour tout renseignement sur l'expo

jeudi 27 novembre 2008

Jacques Villeglé - La comédie Urbaine

Quand j'étais au lycée, ou même en premier cycle, le Nouveau Réalisme était abordé en cours un peu différemment des autres mouvements. Non seulement on parlait autant du contexte social et politique que des oeuvres, mais on ne montrait rarement plus d'une oeuvre ou deux par artiste. Comme si le mouvement était l'artiste et l'artiste, une oeuvre (si vous suivez...)

Mouvement français contestataire des années 1960, fortement marqué politiquement et socialement, le Nouveau Réalisme incarne le refus de la société de consommation venue des États-Unis. L'omniprésence de l'image, la publicité, les couleurs fraîches et clinquantes, les objets neufs et modernes (appareils électro-ménagers, voitures etc) sont matériellement et/ou symboliquement détruits par les artistes qui signent en 1960 le Manifeste de Pierre Restany. Les premiers signataires, en mai 1960 à Milan, Arman, François Dufrêne, Raymond Hains, Yves Klein, Jean Tinguely et Jacques Villeglé, sont rejoints jusqu'en 1963 par Martial Raysse, Daniel Spoerri, César, Mimmo Rotella, Niki de Saint-Phalle, Gérard Deschamps et Christo.
Ainsi, Jacques Villeglé fait partie du mouvement dès sa création et sa production correspond parfaitement aux revendications anti-consuméristes évoquées ci-dessus. Ami avec Raymond Hains depuis 1945, il arrache des affiches dans les rues de Paris à partir 1949. Il se revendique "flâneur", retouche rarement les affiches qu'il lascère et décolle des murs parisiens avant de les maroufler sur toile, et ne donne jamais pour titre autre chose que le nom de la rue et la date du décollage. Il détruit ainsi l'image lisse de la publicité, l'envie de la consommation. Se créent des jeux de matière, de superposition de couches, de typographie. Les mots et les images se rencontrent, s'opposent, donnent naissance à des chocs esthétiques, sémantiques etc.
L'exposition rétrospective de Beaubourg Jacques Villeglé - La comédie Urbaine nous présente en 9 salles le parcours de Villeglé. Plutôt bien réalisée, l'exposition suit un plan chronologique tout à fait bien venu puisqu'il s'agit d'une stricte monographie. Le découpage est clair, les murs colorés... Mais cela n'a malheureusement pas réussi à me convaincre de l'intérêt de l'art de Jacques Villeglé. Si j'apprécie, esthétiquement et contextuellement, ses palimpsestes colorés et modernes des années 1960, j'ai été très déçue d'apprendre qu'il n'avait jamais rien fait d'autre, si ce n'est un alphabet - tantôt socio-politique tantôt onomastique - à la typographie amusante mais peu révolutionnaire. L'artiste, aujourd'hui âge de 82 ans, semble avoir trouvé avec les publicités arrachées le "bon filon" et certainement les mécènes/ collectionneurs qui vont avec, et il n'en est jamais sorti. Celui qui se revendiquait contestataire en 1960 apparaît en 2008 un artiste peu imaginatif, routinier et systématique.

Si l'approche très réductrice qu'on fait des artistes nouveaux réalistes dans l'enseignement de l'Art du XXe siècle ne se justifie pas toujours (les carrières de Klein, Niki de Saint-Phalle ou César ne peuvent être comprises à travers une seule oeuvre) elle semble malheureusement explicable pour la carrière de Villeglé. Une fois qu'on a vu cinq, dix, quinze affiches, on a compris le système. L'artiste se confond ici avec l'oeuvre, elle est sa signature, sa marque de fabrique. Pourquoi pas. Mais peut-être pas pendant toute une vie?

http://www.cnac-gp.fr/Pompidou/Manifs.nsf/0/2DDA4F5D0DA91260C125748F0051CABF?OpenDocument

Photo:
[1] Rues Desprez et Vercingétorix - "La Femme", 1966
[2] Alphabet onomastique, 2006 , Sérigraphie sur Conquéror Vergé
[3] Place des fêtes 3 juillet 1972 Affiches lacérées marouflées sur toile

dimanche 23 novembre 2008

Le Futurisme embrouillé

Je ne prends jamais un très grand plaisir à parler des expositions que je n'ai pas aimées. Cet après-midi je suis allée visiter "Le Futurisme à Paris: une avant garde explosive", au Centre Georges Pompidou. Depuis que je suis sortie du musée j'essaie de mettre au clair mes idées pour écrire quelques lignes sur ce blog, et je me rends compte qu'il est assez difficile de clarifier sa pensée pour expliquer quelque chose qui ne l'est pas... ("ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire viennent aisément"!)

Le titre, la problématique, la muséographie, les textes explicatifs... rien n'est clair dans cette exposition.

Dès l'entrée, le petit feuillet explicatif nous indique que nous avons à faire à "neuf expositions en une". Ainsi, l'exposition s'organise en 9 salles non communicantes entre elles mais ouvertes chacune sur un espace qui entoure la salle centrale, lieu de la reconstitution de l'exposition Futuriste à Paris en 1912. Les huit salles satellites sont dévolues à des mouvements "relevant du cubofuturisme" (à l'exception de l'installation contemporaine de Jeff Mills).
Première déception (et erreur des commissaires) on entre par une salle consacrée au "cubisme vu par les Futuristes". Quand on n'a pas encore pris contact avec le mouvement, ses artistes, son manifeste ni ses oeuvres, difficile de comprendre son positionnement par rapport au cubisme dont il emprunte les formes (l'éclatement en facettes de l'objet représenté) mais conteste les sujets (jugés trop académiques).
Suit une salle consacrée au célèbre Manifeste de Marinetti, publié en février 1909 dans le Figaro. La salle présente uniquement des manuscrits et imprimés, sans lier le Manifeste aux oeuvres ni aux artistes.
La troisième salle est consacrée à l'installation contemporaine de Jeff Mills. Outre mon exaspération pour la mode des installations contemporaines dans les expositions (Kiefer à Orsay pour Lovis Corinth, Jan Fabre au Louvre, Jeff Koons à Versailles etc.), j'ai du mal à comprendre l'intérêt de cette installation vidéo et surtout sa place dans l'exposition. On n'a, je le rappelle, pas encore vu une oeuvre futuriste.
La quatrième salle est donc celle de la reconstitution. C'est sans conteste l'une des plus intéressantes, elle recèle les incroyables "États d'âmes" de Boccioni mais on reste sur sa faim quant aux commentaires! Jamais on ne nous explique ce qu'est une OEUVRE futuriste. Sa touche, sa couleur, sa forme, sa lumière, son sujet, ses recherches formelles. Il aurait été intéressant, sinon fondamental, de rappeler que c'est l'amour pour la vitesse, et donc la représentation décomposée de la forme en mouvement qui est au coeur de la recherche futuriste. Ce qui n'empêche pas les artistes d'emprunter formellement au Symbolisme, au Cubisme, à l'expressionnisme allemand des Die Brücke...
Les salles "satellites" qui suivent présentent toutes le même défaut d'imprécision et de confusion. On ne comprend pas vraiment POURQUOI et EN QUOI le Futurisme se rapproche ou se démarque de la Section d'Or, du Cubofuturisme Russe, du Vorticisme anglo saxon (d'ailleurs à ce moment là, je n'ai plus compris pourquoi le titre était "le Futurisme A PARIS") ou de l'Orphisme. Les mouvements sont mal définis, le choix des oeuvres jamais justifié, les oeuvres futuristes se mélangent aux autres, on ne les distingue plus... Bref, on est vite perdu.

Tout ça fait une exposition "brouillon" au cours de laquelle on n'apprend pas grand chose sur le Futurisme en lui-même. On comprend néanmoins, en regardant les oeuvres, qu'il s'agit d'un mouvement phare de l'avant-garde européenne des années 1910-1915, au cours de laquelle tous les artistes partagent, malgré les différents noms des groupes dont ils font partie, les mêmes préoccupations formelles. L'éclatement de la forme, la décomposition du mouvement, la diffraction de la lumière, la mécanique du corps humain... sont autant de questions qui se posent quand est déclaré vain le mimétisme de la nature.

Pour ne pas finir sur une note totalement négative, une trouvaille amusante et intelligente de l'exposition est l'impression des citations que l'on trouve habituellement sur les murs sur des petits papiers colorés, des petits présentoirs "servez-vous" jalonnent ainsi le parcours.
Autre note positive: certaines oeuvres sont superbes, c'est toujours agréable de voir les magnifiques "États d'âme" de Boccioni, "L'équipe de Cardiff" de Delaunay, "La prose du Transsibérien" de Sonia Delaunay, un "Nu Descendant l'Escalier" de Duchamp, "La noce" de Léger, une série de Kupka... des incontournables du XXe siècle!

Photo:[1] Luigi RUSSOLO: La révolte (1911) [Paris, MNAM]
[2] Giacomo BALLA : Petite fille courant sur un balcon (1912) [ Milan, Gallerie d'art moderne]
[3] Umberto BOCCIONI: Le rire (1911) [New York, MoMA]
[4] g. à d. : L. Russolo, C. Carra, F.T. Marinetti,U. Boccioni, G. Severini à Paris en février 1912 à l’occasion de l’exposition « Les Peintres futuristes italiens » [Paris, galerie Bernheim-Jeune & Cie]

lien: http://www.cnac-gp.fr/Pompidou/Manifs.nsf/0/8A7DB015D6F71FF3C12574C0005075B1?OpenDocument&sessionM=2.1.2&L=1

vendredi 21 novembre 2008

Celtes et scandinaves au musée du moyen-âge

Loin des images austères ou glorieuses du christianisme auquel nous sommes habitués, le premier art chrétien — qu'il soit romain, copte, gaulois ou celte— m'a plu dès que j'ai fait sa connaissance. J'aime la virtuosité (décorative et païenne) qui se mêle à la maladresse (la figure humaine nouvellement arrivée avec le Christianisme n'est pas encore bien assimilée) pour donner naissance à un art un peu chaotique de mélanges ludiques et inattendus.

Ce moment de "christianisation" est jusqu'en janvier à l'honneur dans les deux première salles du musée de Cluny, à travers l'exposition "Celtes et Scandinaves: rencontres artistiques VIIe-XIIe". À travers deux salles et un parcours simple et efficace (mais trop rapide, c'est plus une évocation qu'une exposition!) le musée de cluny propose au visiteur de découvrir la production artistique de ces régions nordiques peu connues: une première salle est consacrée aux objets Britanniques, Écossais et Irlandais, une seconde à ceux du Danemark, de Norvège et de Suède (on remarque d'ailleurs la générosité en matière de prêts de la part du Musée de Stockholm).
Évangélisés très progressivement (au Ve siècle par Saint Patrick en Irlande, au XIe par Saint Olaf pour la Norvège, au XIIe siècle pour la Suède), les royaumes barbares des celtes et scandinaves (ceux qu'on appelle Vickings entre le IXe et le XIe siècle) adaptent à leurs techniques artisanales et artistiques traditionnelles la nouvelle iconographie de la religion chrétienne. L'orfèvrerie, l'enluminure, la sculpture sur pierre ou sur bois présentent à chaque fois à différents degrés le syncrétisme entre la culture païenne et la culture chrétienne, entre assimilation, remploi, cohabitation, juxtaposition. Ainsi, en Irlande les enluminures monastiques mêlent habilement Christ en Gloire et décor d'entrelacs, en Écosse les croix de Granit sont sculptées en méplat de figures naïves dont le sens prime sur la forme et les proportions, et la virtuosité de l'orfèvrerie se met au service de petites croix-pendentifs et autres reliquaires précieux.

Dépaysant, frais, mal connu, l'art celte et surtout scandinave aurait mérité qu'on s'y attarde un peu plus, mais cette petite évocation est plutôt bien faite et se parcourt avec plaisir.

Infos pratiques et Dossier de Presse:
www.rmn.fr/Celtes-et-Scandinaves http://www.presse.rmn.fr/phpmyimages/public/image.php?ev_id=158

Photo:
[1] Valkyrie, Statens historiska museum Stockolm, ©Statens historiska museum, Stockholm/Christer Åhlin, Suède, Xe siècle, argent
[2] Fibule, VIIIe siècle, National Museum of Scotland ©Courtesy of the Trustees of the National, Museums of Scotland
[3] Fragment de croix de Momifieth National Museums of Scotland Edimbourg, Ecosse ©Courtesy of the Trustees of the National Museums of Scotland, Ecosse, XIe-Xe siècle

jeudi 13 novembre 2008

Les Femmes d'Alger

Au Louvre, Picasso est accroché à côté de Delacroix autour du thème "Femmes d'Alger".

Quand je traverse la salle communément appelée "des Grands Formats XIXe" j'ai toujours l'impression qu'il flotte dans l'air une sorte de brume grisâtre. Sur les immenses murs rouges cramoisis (façon musée du XIXe) de la salle, les plus grands (au sens propre comme au figuré) Géricault, Delacroix, Ingres, David, Sheffer etc. me paraissent en effet toujours enveloppés d'un voile. Poussière, vieillissement des vernis (chanci, ou brunissement), manière un peu "floue" de certaines oeuvres orientalistes, bref, tout concourt à l'effet de brouillard au premier étage de l'Aile Denon. Je traverse donc la salle, bouscule les groupes de touristes habituels plantés devant Napoléon, et j'arrive dans le Salon Denon, vaste salle carrée où sont habituellement exposés des peintres peu regardés du public (Devéria, Michallon etc).
La dizaine de toiles et dessins de Picasso choque immédiatement. Les couleurs vives, crues, sorties du tube avec violence, empressement et exaltation, les cernes noirs énergiques, contraignants... les couleurs du peintre espagnol sortent littéralement du brouillard ambiant, et l'on aperçoit seulement après les douces Femmes d'Alger de Delacroix, peintes 120 ans avant celle de Picasso. Nombreux sont ceux qui critiquent le jeu de la confrontation à propos des 3 expositions Picasso actuellement à Paris. Il est vrai que la "référence" en art est un problème épineux: comment parler des "sources" iconographiques, techniques, esthétiques d'un peintre sans donner l'impression que son oeuvre n'est qu'une "reprise"? Comment ne pas écraser l'inspirant par l'inspiré (ou inversement)? Dans le cas de la confrontation de Picasso avec Delacroix, je n'ai pas l'impression qu'il faille s'inquiéter de cette possible rivalité entre celui qui inspire et celui qui reprend. Le rapprochement des deux oeuvres du même thème (un univers orientaliste, féminin et clos) fait autant éclater les ressemblances (Picasso reprend des détails iconographiques, la gestuelle de certains personnages, l'idée d'un intérieur fermé etc) que la puissante originalité des deux peintres. Les femmes de Delacroix sont volupteuses, sensuelles, parfumées et dorées, celles de Picasso sont multicolores, puissantes, imposantes, gonflées de vie et de sexualité. Si Delacroix nous fait pénétrer dans l'univers intimes de ces femmes d'Alger avec pudeur et sérénité, Picasso nous présente des lieux chaotiques, anguleux, vifs, à la matière épaisse, et notre oeil, contrairement à chez Delacroix, n'a pas le droit au repos. Les deux peintres dialoguent et s'opposent, sans masquer l'autre. Notre oeil passe sans cesse de l'un à l'autre: attiré par la fougue picassienne, il ne peut s'empêcher de revenir vers Delacroix, comme pour mieux saisir ces deux personnalités. Il ne s'agit pas de jouer à "comparer" mais d'observer pour comprendre la composition, la lumière, l'énergie des personnages...
Je n'ai pas (encore) vu le "Picasso et ses maîtres" du Grand Palais, et je ne sais pas comment s'organise cette exposition basée sur la confrontation systématique de "Picasso avec ..." mais l'accrochage de quelques Picasso au Louvre, avec peu de texte (pas besoin de plus), au milieu des salles XIXe est un pari réussi!

Exposition du Louvre: infos pratiques & dossier de presse: http://www.louvre.fr/llv/exposition/detail_exposition.jsp
Exposition du Grand Palais www.rmn.fr/Picasso-et-les-maitres
Exposition du Musée d'Orsay www.musee-orsay.fr/fr/manifestations/expositions/au-musee-dorsay