L'autre jour j'évoquais le monstre Babylone au musée du Louvre, alors que je ne l'avais pas encore visité. Je l'ai fait hier soir, en nocturnes (l'horaire ne nous a pas empêchés de prendre un bain de foule digne d'un samedi à 16h).
Extrêmement ambitieuse, beaucoup trop à mon sens, la problématique aurait mérité d'être traitée en deux expositions différentes (une dans l'espace Sully et une autre dans Richelieu, dans le cadre d'une exposition dossier par exemple) comme ça avait été le cas pour l'Iran Safavides (Le Chant du Monde) et la Collection Aga Khan au début de la saison. En effet, l'exposition s'efforce de répondre à la question: comment comprendre Babylone entre la réalité (archéologique) et le mythe (chrétien, humaniste, positiviste, romantique) auquel elle a donné naissance? L'exposition, très longue, comporte donc deux parties.
La première partie, sur la Babylone historique, connue par les textes et

les objets issus des fouilles, couvre une immense période d'environ 2000 ans (du roi sumérien Gudéa au Grec Alexandre Le Grand, en passant par Hammourabi et Nabuchodonosor II). Elle expose beaucoup trop de petits objets, expliqués par des cartels tout aussi minuscules et bas, et dont la plupart sont la traduction et l'analyse des dizaines de plaquettes cunéiformes placées au-dessus. Autant dire qu'au bout de 4 tablettes on est déjà fatigué et on préfère voir autre chose, comme les stèles commémoratives, les kudurru ou le code
d'Hammourabi, plus grands et plus attrayants que les tablettes...
La seconde partie, sur la Babylone mythique, parcourt une dizaine de siècles, et nous montre au moyen d'enluminures, gravures, peintures, croquis, plans etc., l'évolution du mythe Babylonien. On commence avec le M

oyen-Âge (la fascination pour les jardins suspendus), puis on continue avec la Rennaissance: aux Pays Bas, dans le contexte de la Réforme, on condamne la Tour de Babel (allégorie de la vanité humaine) par des peintures dramatiques, en Italie et en France Baylone est le prétexte aux représentations d'une archéologie fantaisiste. Suivent les très scientifiques XVIIe et XVIIIe siècles, avec les considérations savantes des jésuites sur la Tour (pourquoi elle ne pouvait pas tenir debout!!) et l'assimilation de Babylone au Phalanstère ou à la Ville idéale par les Lumières. On arrive enfin au XIXe siècle, où le mythe Babylonien devient romantique puis décadent (à voir: le tableau pompier de Rochegrosse qui représente une Babylone décadente et rose bonbon, une orgie kitsch!) avant d'être reconsidéré suite aux découvertes archéologiques dans les années 1850 (et là on retrouve l'archéologie, et l'objet: la boucle est bouclée, OUF!). Ce second volet, très littéraire, est intéressant et inédit mais desservi par la surabondance d'informations et son manque de visibilité...
Par conséquent, l'exposition n'est pas à la hauteur du propos. Trop élitiste et surtout très mal organisée d'un point de vue muséographique — pas de fauteuils, cartels minuscules, murs sombres et aux couleurs ignobles (vert sapin, mauve terne, kaki), textes petits sur de grands murs vides... tout y passe —, elle ne parvient pas à captiver le visiteur malgré un sujet vraiment passionnant.