samedi 29 mars 2008

Ambitieuse Babylone

L'autre jour j'évoquais le monstre Babylone au musée du Louvre, alors que je ne l'avais pas encore visité. Je l'ai fait hier soir, en nocturnes (l'horaire ne nous a pas empêchés de prendre un bain de foule digne d'un samedi à 16h).


Extrêmement ambitieuse, beaucoup trop à mon sens, la problématique aurait mérité d'être traitée en deux expositions différentes (une dans l'espace Sully et une autre dans Richelieu, dans le cadre d'une exposition dossier par exemple) comme ça avait été le cas pour l'Iran Safavides (Le Chant du Monde) et la Collection Aga Khan au début de la saison. En effet, l'exposition s'efforce de répondre à la question: comment comprendre Babylone entre la réalité (archéologique) et le mythe (chrétien, humaniste, positiviste, romantique) auquel elle a donné naissance? L'exposition, très longue, comporte donc deux parties.

La première partie, sur la Babylone historique, connue par les textes et les objets issus des fouilles, couvre une immense période d'environ 2000 ans (du roi sumérien Gudéa au Grec Alexandre Le Grand, en passant par Hammourabi et Nabuchodonosor II). Elle expose beaucoup trop de petits objets, expliqués par des cartels tout aussi minuscules et bas, et dont la plupart sont la traduction et l'analyse des dizaines de plaquettes cunéiformes placées au-dessus. Autant dire qu'au bout de 4 tablettes on est déjà fatigué et on préfère voir autre chose, comme les stèles commémoratives, les kudurru ou le code d'Hammourabi, plus grands et plus attrayants que les tablettes...


La seconde partie, sur la Babylone mythique, parcourt une dizaine de siècles, et nous montre au moyen d'enluminures, gravures, peintures, croquis, plans etc., l'évolution du mythe Babylonien. On commence avec le Moyen-Âge (la fascination pour les jardins suspendus), puis on continue avec la Rennaissance: aux Pays Bas, dans le contexte de la Réforme, on condamne la Tour de Babel (allégorie de la vanité humaine) par des peintures dramatiques, en Italie et en France Baylone est le prétexte aux représentations d'une archéologie fantaisiste. Suivent les très scientifiques XVIIe et XVIIIe siècles, avec les considérations savantes des jésuites sur la Tour (pourquoi elle ne pouvait pas tenir debout!!) et l'assimilation de Babylone au Phalanstère ou à la Ville idéale par les Lumières. On arrive enfin au XIXe siècle, où le mythe Babylonien devient romantique puis décadent (à voir: le tableau pompier de Rochegrosse qui représente une Babylone décadente et rose bonbon, une orgie kitsch!) avant d'être reconsidéré suite aux découvertes archéologiques dans les années 1850 (et là on retrouve l'archéologie, et l'objet: la boucle est bouclée, OUF!). Ce second volet, très littéraire, est intéressant et inédit mais desservi par la surabondance d'informations et son manque de visibilité...

Par conséquent, l'exposition n'est pas à la hauteur du propos. Trop élitiste et surtout très mal organisée d'un point de vue muséographique — pas de fauteuils, cartels minuscules, murs sombres et aux couleurs ignobles (vert sapin, mauve terne, kaki), textes petits sur de grands murs vides... tout y passe —, elle ne parvient pas à captiver le visiteur malgré un sujet vraiment passionnant.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Je suis tout à fait d'accord avec tout ce qui est dit. C'est vraiment dommage, le manque de pédagogie gâche vraiment tout. Pourquoi autant de textes? Comme tu me l'as dit pendant la visite de l'expo, ils auraient juste du être inclus dans le catalogue. Il faut revenir au moins 3 fois si on veut TOUT lire et vu le prix de l'expo...
Pam

Tom a dit…

Allez, j'y vais de mon couplet :
C'est parti !

Une expo à l'image de ce que devait être Bââbylôône : grand, gros, vaguement organisée dans l'ensemble, bordélique dans le détail, interminable... Sauf que là, on rêve tout de suite moins ! Si on veut tout lire, il faut prévoir la tente et le camping gaz, si on ne lit pas tout, on ne comprend plus des masses comment tout s'enchaîne...
A l'arrivée, j'aurais tendance à dire que le plaisir de l'expo est inversement proportionnel à l'envie qu'elle suscite.
D'autant que, je suppose, si on ne connaît pas un minimum le sujet, toute la partie d'archéo évoque plus Capharnaüm que la capitale de l'antiquité...
Et soyons franc : la prise de risques est minimum. Pas une ligne sur la "Babylone" que tous les jeunes de moins de 30 ans connaissent, celles des gosses, des ados, la Babylone Babylone de Bob Marley ou du "Shoota Babylone" d'Assassin. C'est un des mythes urbains, ou des allégories, comme on veut, les plus répandus dans notre société occidentale. Que l'on aime ou pas le reggae, le rap, ou la variété pour rebellion prête à consommer, peu importe. Cela aurait-il fait mal aux commissaires de s'aventurer, ne serait-ce qu'un minimum, en dehors de leur pré-carré, de leur domaine de compétence direct et de leurs références culturelles ? De prendre un peu de risques, de sortir des sentiers archi-(re)battus, de mettre un peu le nez en dehors de leur microcosme culturel qui sent la naphtaline à plein nez ? S'ils continuent comme ça, c'est le sapin, que ça va sentir... Et je ne m'en réjouis pas du tout. Alors qu'il y avait tellement de choses bien à faire avec un sujet comme ça !
D'ailleurs ils le savent, puisqu'ils sabordent le sujet en une phrase discrète au tout début de l'expo, du genre "après le XIXe siècle, le mythe de Babylone évolue sans qu'il n'ait plus de rapports avec la Babylone historique"... Y en a qui ont mauvaise conscience, moi je vous le dis ! Parce qu'il faudra m'expliquer en quoi l'image de la babylone actuelle, qui identifie un système tentaculaire, oppressif, répressif ou normatif, est fondamentalement plus éloignée de la réalité historique que celle de la Grande Prostituée faisant des galipettes sur sa salle bébête... Aucun rapport, c'est sûr, entre la société dont on se sent étranger et qui oppresse, exploite etc... et la ville étrangère qui réduit en esclavage un peuple conquis... Vraiment, je ne vois pas... Sous prétexte que le mythe contemporain de Babylone n'a pas le parfum des cabinets (de curiosité, bien sûr) mais plutôt celui de la peinture en bombe ou du vinyl cramé, faut-il le passer sous silence ? Question de standing ? De ligne culturelle ? D'incompétence dans le domaine ? A la rigueur, j'aimerais que cette dernière hypothèse un peu sournoise soit la bonne ! Mais dans ce cas là, sortez de votre bulle et adressez-vous au reste du monde : il y aurait tellement de gens prêts à vous aider ! Et puis le milieu muséal risquerait moins les problèmes de consanguinité...
Je sais, je suis un peu dur sur la fin, mais c'est juste histoire de marquer le coup... De dire comme quoi, ce serait pas plus mal de régénérer tout ça ! A la rigueur, si vous le sentez pas, ce coup-là, laissez la place aux jeunes : je suis sûr qu'Alix s'en ferait une joie !

Tom.

Ca y est : on considère qu'il est inauguré, ton blog ?

alix a dit…

bien inauguré... et je m'en fait une joie toute babylonienne!

Elodie a dit…

Mais que fait Umberto Eco ???? !!!!