mercredi 21 mai 2008

Marie Antoinette

Prenant mon courage à deux mains, j'ai décidé ce matin d'affronter l'événement Marie-Antoinette, blockbuster du moment au Grand Palais (jusqu'au 30 juin 2008).

Malgré l'heure matinale et mon exemption de file d'attente, je me suis retrouvée dès la première salle dans un bain de foule. Ma première crainte, celle du public féminin sexagénaire et très bavard, se vérifie et me conforte, dans les premières minutes, dans mon a priori très négatif de l'exposition. En effet, depuis le mois de mars, Paris est envahi par les affiches sucrées de Marie-Antoinette. Devant un tel battage on ne peut s'empêcher d'associer l'exposition à l'image Coppola de Marie-Antoinette, à la Disneylandisation croissante du château de Versailles — le Hameau de la Reine a été subtilement rebaptisé "Domaine de Marie-Antoinette" — ou à celle des expo du Grand Palais en général — l'exposition Walt Disney y avait-elle vraiment sa place? La reine, sans cesse réhabilitée, devient la "victime" de la Révolution, l'icône de la jeune femme libre sacrifiée etc. Marketing, people, commerce, kitsch, bref, je m'attendais au pire.

Avertis, les commissaires de l'exposition se prémunissent de toute attaque dès l'introduction. Ils évoquent les clichés associés à Marie-Antoinette ("frivole, dépensière, victime"), la littérature surabondante qui lui est consacrée, les films... Leur démarche est la suivante: "Cette exposition cherche à donner des réponses [à ces clichés] en révélant Marie-Antoinette dans toute la diversité de sa personnalité". Pour ce faire, l'exposition comporte 3 parties, suivant la vie de la reine: l'époque de l'éducation à la naissance des enfants, le temps des fastes versaillais, et la chute de la Révolution.

Dans une muséographie fastueuse, soignée et séduisante — les salles en enfilade évoquent les appartements de Schönbrunn ou Versailles — la première partie présente un ensemble de peintures (Bellotto, Liotard, Vigée le Brun [photo 1]), sculptures (Boizot, Lemoyne, Lecomte) et d'objets d'art (meubles Boulle, chinoiseries), le tout sur fond de musique Baroque. Très descriptif et généalogique ce premier acte comporte néanmoins quelques objets superbes, tel le coffre à bijoux en bois de rose et sycomore agrémenté de procelaine de Sèvres peinte, par Martin Carlin. La dernière salle "La Reine et son image" (la plus intéressante) aborde, trop succinctement malheureusement, la question du rapport entre la reine et les artistes officiels.
La deuxième partie, celle des fastes, est elle aussi particulièrement réussie sur le plan scénographique — les cimaises évoquent les coulisses d'un décor d'Opéra XVIIIe. De la même façon, le discours sur Marie-Antoinette et son rapport à l'art et aux artistes (puisqu'il s'agit ici de la comprendre, entre autres, en tant que mécène et collectionneuse) est souvent assez léger et peu original. La qualité des objets est en revanche au rendez-vous: le boudoir de Fontainebleau par Riesener [bureau, photo 2] et Jacob est impressionnant de virtuosité, de même que les fauteuils de J.B. Claude Sené, les orfèvreries de Feuchère...
L'exposition se termine par la période Révolutionnaire [photo 3], de la fuite à Varenne à l'échafaud, en passant par le séjour à la tour du Temple. Le silence et l'obscurité de la longue salle contrastent avec les fastes précédents.

Moins emphatique que ce que je redoutais, l'exposition Marie-Antoinette reste cependant très consensuelle. On n'apprend rien de très nouveau sur la reine, et on reste sur sa faim quant au contexte historique et esthétique, le rapport entre art et pouvoir etc — même si l'exposition se veut biographique elle présente en majorité des oeuvres d'art. Si je désapprouve le concept d'une exposition "Marie-Antoinette" (pour les raisons écrites dans le premier paragraphe), je ne la déconseille pas pour autant. Le souci muséographique, et surtout la présence de pièces maîtresses de l'art somptuaire au XVIIIe siècle méritent la visite.

http://www.rmn.fr/Marie-Antoinette

3 commentaires:

Marie a dit…

Tiens c’est rigolo, moi aussi j’y étais ce matin à la première heure mais probablement un peu en décalage pour ne pas avoir réussi à te croiser !

Pour ma part j’insisterais essentiellement sur la muséographie plus que réussie et pour une fois poussée à son maximum : musiques, couleurs, décors, vitrines, détail des initiales entrelacées de Marie-Antoinette qui scande toute l’exposition… tout est soigneusement réussi et bien choisi jusqu’à la dernière salle sombre en forme d’entonnoir, dans laquelle les œuvres étaient à voir comme à travers les barreaux d’une prison, nous conduisant ainsi jusqu’à la mort de Marie-Antoinette.

Bref, une exposition qui pour moi vaut largement le détour car les œuvres sont bien évidemment de qualité et même si certains trouveront la scénographie trop « monde merveilleux de Versailles » et ben c’était chouette !

Toutefois, le stand Ladurée en fin de visite était-il vraiment indispensable, histoire d’être sûr qu’on n’a pas oublié l’interprétation coppolesque de Marie-Antoinette ? Dommage comme touche finale même si on est déjà dans l’espace boutique, puisque cela enlève tout de suite un peu de crédibilité à l’exposition qui avait enfin réussi à nous faire sortir de la tête le visage de Kirsten Dunst ;o)

alix a dit…

Comme je trouvais mon article déjà un peu long, je n'ai pas mentionné le famuex stand Ladurée... mais j'ai exactement le même avis que toi!

Anonyme a dit…

"On n'apprend rien de très nouveau sur la reine" et le stand Ladurée est franchement une connerie.