dimanche 23 novembre 2008

Le Futurisme embrouillé

Je ne prends jamais un très grand plaisir à parler des expositions que je n'ai pas aimées. Cet après-midi je suis allée visiter "Le Futurisme à Paris: une avant garde explosive", au Centre Georges Pompidou. Depuis que je suis sortie du musée j'essaie de mettre au clair mes idées pour écrire quelques lignes sur ce blog, et je me rends compte qu'il est assez difficile de clarifier sa pensée pour expliquer quelque chose qui ne l'est pas... ("ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire viennent aisément"!)

Le titre, la problématique, la muséographie, les textes explicatifs... rien n'est clair dans cette exposition.

Dès l'entrée, le petit feuillet explicatif nous indique que nous avons à faire à "neuf expositions en une". Ainsi, l'exposition s'organise en 9 salles non communicantes entre elles mais ouvertes chacune sur un espace qui entoure la salle centrale, lieu de la reconstitution de l'exposition Futuriste à Paris en 1912. Les huit salles satellites sont dévolues à des mouvements "relevant du cubofuturisme" (à l'exception de l'installation contemporaine de Jeff Mills).
Première déception (et erreur des commissaires) on entre par une salle consacrée au "cubisme vu par les Futuristes". Quand on n'a pas encore pris contact avec le mouvement, ses artistes, son manifeste ni ses oeuvres, difficile de comprendre son positionnement par rapport au cubisme dont il emprunte les formes (l'éclatement en facettes de l'objet représenté) mais conteste les sujets (jugés trop académiques).
Suit une salle consacrée au célèbre Manifeste de Marinetti, publié en février 1909 dans le Figaro. La salle présente uniquement des manuscrits et imprimés, sans lier le Manifeste aux oeuvres ni aux artistes.
La troisième salle est consacrée à l'installation contemporaine de Jeff Mills. Outre mon exaspération pour la mode des installations contemporaines dans les expositions (Kiefer à Orsay pour Lovis Corinth, Jan Fabre au Louvre, Jeff Koons à Versailles etc.), j'ai du mal à comprendre l'intérêt de cette installation vidéo et surtout sa place dans l'exposition. On n'a, je le rappelle, pas encore vu une oeuvre futuriste.
La quatrième salle est donc celle de la reconstitution. C'est sans conteste l'une des plus intéressantes, elle recèle les incroyables "États d'âmes" de Boccioni mais on reste sur sa faim quant aux commentaires! Jamais on ne nous explique ce qu'est une OEUVRE futuriste. Sa touche, sa couleur, sa forme, sa lumière, son sujet, ses recherches formelles. Il aurait été intéressant, sinon fondamental, de rappeler que c'est l'amour pour la vitesse, et donc la représentation décomposée de la forme en mouvement qui est au coeur de la recherche futuriste. Ce qui n'empêche pas les artistes d'emprunter formellement au Symbolisme, au Cubisme, à l'expressionnisme allemand des Die Brücke...
Les salles "satellites" qui suivent présentent toutes le même défaut d'imprécision et de confusion. On ne comprend pas vraiment POURQUOI et EN QUOI le Futurisme se rapproche ou se démarque de la Section d'Or, du Cubofuturisme Russe, du Vorticisme anglo saxon (d'ailleurs à ce moment là, je n'ai plus compris pourquoi le titre était "le Futurisme A PARIS") ou de l'Orphisme. Les mouvements sont mal définis, le choix des oeuvres jamais justifié, les oeuvres futuristes se mélangent aux autres, on ne les distingue plus... Bref, on est vite perdu.

Tout ça fait une exposition "brouillon" au cours de laquelle on n'apprend pas grand chose sur le Futurisme en lui-même. On comprend néanmoins, en regardant les oeuvres, qu'il s'agit d'un mouvement phare de l'avant-garde européenne des années 1910-1915, au cours de laquelle tous les artistes partagent, malgré les différents noms des groupes dont ils font partie, les mêmes préoccupations formelles. L'éclatement de la forme, la décomposition du mouvement, la diffraction de la lumière, la mécanique du corps humain... sont autant de questions qui se posent quand est déclaré vain le mimétisme de la nature.

Pour ne pas finir sur une note totalement négative, une trouvaille amusante et intelligente de l'exposition est l'impression des citations que l'on trouve habituellement sur les murs sur des petits papiers colorés, des petits présentoirs "servez-vous" jalonnent ainsi le parcours.
Autre note positive: certaines oeuvres sont superbes, c'est toujours agréable de voir les magnifiques "États d'âme" de Boccioni, "L'équipe de Cardiff" de Delaunay, "La prose du Transsibérien" de Sonia Delaunay, un "Nu Descendant l'Escalier" de Duchamp, "La noce" de Léger, une série de Kupka... des incontournables du XXe siècle!

Photo:[1] Luigi RUSSOLO: La révolte (1911) [Paris, MNAM]
[2] Giacomo BALLA : Petite fille courant sur un balcon (1912) [ Milan, Gallerie d'art moderne]
[3] Umberto BOCCIONI: Le rire (1911) [New York, MoMA]
[4] g. à d. : L. Russolo, C. Carra, F.T. Marinetti,U. Boccioni, G. Severini à Paris en février 1912 à l’occasion de l’exposition « Les Peintres futuristes italiens » [Paris, galerie Bernheim-Jeune & Cie]

lien: http://www.cnac-gp.fr/Pompidou/Manifs.nsf/0/8A7DB015D6F71FF3C12574C0005075B1?OpenDocument&sessionM=2.1.2&L=1

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